A l'ombre de ma vie
décidé à
demander. Il veut lui parler de moi, et du soutien de la France, il trouve que
c’est important. Il est toujours rassurant, direct, et même un peu brusque
parfois, mais c’est très bien comme cela. Avec lui, je sais où je vais. Et
puis, il me laisse entendre que Nicolas Sarkozy va bientôt venir en voyage
officiel au Mexique ! Il n’y a rien de sûr, pas encore de date précise,
mais une visite du président en personne va forcément déclencher des choses.
Tout ça me tourne un peu la tête, c’est beaucoup d’un seul coup : je vais
devoir me contenir, ne pas me laisser aller à mes espoirs et me montrer à la
hauteur.
Au moment où il arrive à Mexico, Frank Berton a déjà été
reçu cinq fois à l’Élysée. La plupart du temps, mes parents s’y trouvaient
aussi, et ils m’en racontent toujours la même chose : « Le président
nous a répété sa détermination. Il ne laisse pas tomber. Il fait explorer
toutes les possibilités par ses conseillers. » J’y crois dur comme fer et
chaque fois qu’ils sont reçus, c’est la nuit pour moi : alors je rêve les
yeux ouverts, sur mon lit. Je m’imagine un avion qui vient me chercher. Je me
dis : « Sarkozy va me sortir de là ! ». Pour moi, c’est
simple, c’est le président ; alors s’il veut me sortir, puisqu’il est si
déterminé, il va réussir, je ne peux pas en douter.
Je sais que des gens continuent d’enquêter en secret. Maître
Berton m’apprend par exemple qu’ils ont de drôles de renseignements sur la juge
Olga Sanchez Contreras, qui m’a condamnée. Elle aurait eu des difficultés dans
sa carrière, ils continuent de creuser. Dans l’immédiat, tout cela ne règle rien,
mais cela me fait du bien de l’entendre, et d’écouter aussi le message de
soutien de Nicolas Sarkozy. « Il est avec nous, Florence. Il se tient
informé en permanence. » La confiance de mon avocat est contagieuse.
Le juge Fermin a accepté de le recevoir. Alors un matin il
se rend à son cabinet, en compagnie d’Agustin Acosta, mon avocat depuis plus de
six mois, qui a rédigé en quatrième vitesse les documents à remettre au juge
pour l’appel. Il n’a eu que quelques jours pour cela, mais ils sont tous les deux
confiants : dans ces conclusions, il y a bien des éléments nouveaux, à ma
décharge, qui n’ont pas été étudiés par le tribunal. « Et puis, quoi,
Florence ? La justice s’est trompée une fois, ça peut arriver. Mais deux
erreurs, ce n’est pas possible, on ne le comprendrait pas. » Encore une
fois, j’aime entendre cela. Je vois bien qu’ils s’entendent bien, tous les
deux. J’ai eu un peu de mal à cerner Agustin Acosta, au début. Je le trouvais
distant, moins abordable que Frank Berton. Mais je sais qu’il travaille pour
moi, et quand je les regarde tous les deux, dans la salle de la prison, je me
dis qu’ils vont y arriver, ils ont une telle détermination.
Au juge Fermin, ils ont montré un DVD de la question de
Frédéric Cuvillier à l’Assemblée nationale. Ils ont expliqué que le
gouvernement de mon pays est attentif à ma situation, comme le dit Rama Yade
sur le document, et que l’opinion française est sensible. C’est un numéro
d’équilibriste parce qu’il faut éviter que le vieux juge considère cela comme
des pressions. Ce serait catastrophique. Mais quand ils viennent me raconter
tout cela, ils ont confiance. Tout s’est bien passé. C’est encore une période
où ma tête s’emplit d’un tas d’idées, parce que je vois mes avocats tous les
jours, qu’on parle à nouveau de moi dans les journaux, à cause de la visite de
Frank Berton, et les jours passent à toute vitesse. Il faut faire attention à
l’atterrissage quand cela s’arrête, que mon avocat est rentré chez lui, et que
la presse me range une nouvelle fois dans ses oubliettes. Ce sont des moments
très difficiles, avec ce sentiment que je suis de nouveau dans l’oubli – le
pire qui puisse m’arriver.
Je me raccroche à mon objectif : la sentence en appel
ne doit plus tarder à tomber, c’est ce que le juge a laissé entendre à mes avocats.
Pendant la visite de Nicolas Sarkozy ? Si seulement…
Au moment où elle approche, cette visite, les journaux
s’emballent de nouveau. C’est d’abord sans lien avec moi, juste parce que le
président avait reporté deux fois son voyage et qu’il est attendu par les
milieux économiques, qui ont à cœur de faire des affaires avec la France.
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