A l'ombre de ma vie
Et
puis, il y a Carla Bruni. Rapidement, les journaux n’en ont que pour elle. Ils
publient plein de reportages qui parlent de sa vie, de sa carrière de
mannequin, puis de ses chansons et de ce destin extraordinaire qui en a fait la
Première dame. Elle a une cote d’enfer. On parle d’elle avec admiration. Et
voilà que quelqu’un, à l’Élysée, laisse entendre que le président a l’intention
de parler de moi à son homologue mexicain, au cours de sa visite, et que son
épouse me soutient elle aussi. La rumeur enfle, chaque jour les journaux et la
télévision relaient l’information : « Madame Carla Bruni-Sarkozy
devrait rendre visite à Florence Cassez à la prison de Tepepan. » Alors, ça,
j’en rêve. Mais d’où vient cette idée, je n’en sais rien. Je ne sais surtout
pas si elle est fondée, si elle vient de Paris ou de l’imagination des
journalistes mexicains. En tout cas, tout cela tend considérablement
l’ambiance. De nouveau, les articles s’enflamment et rappellent ce qu’ils ont
toujours dit, pour la plupart : « Florence la Française est une
kidnappeuse d’enfants. » Une nouvelle campagne est lancée, aussi dure que
les précédentes, qui se teinte d’une sorte d’avertissement à l’endroit de Nicolas
Sarkozy : « La France n’a pas à se mêler d’une affaire criminelle
intérieure au Mexique. Notre pays et notre justice sont souverains. » Le
voilà prévenu.
On est à moins d’une semaine de son arrivée, et je suis de
nouveau terriblement inquiète. Je le suis toujours quand les choses s’affolent
de cette manière, parce que la haine des Mexicains à mon égard est palpable.
Cela m’effraie. On sent maintenant que le gouvernement de ce pays est aussi
déterminé que le mien, qu’il a fait de moi et de mon histoire un enjeu
politique : il me brandit devant la population comme un symbole. Après
tout, je suis la seule prise de l’Agence fédérale d’investigation et de son
mentor devenu ministre. Les bruits les plus suspects continuent de courir à
propos de ces policiers, comme de Genaro Garcia Luna, surtout depuis qu’une
journaliste très connue ici a sorti un livre, Los Complices del Présidente (« Les Complices du président »), dans lequel sont détaillés ses
méthodes et ses compromissions, ainsi que le rôle joué à ses côtés par Luis
Cardenas Palomino. Anabel Hernandez n’y va pas de main morte : elle
raconte des scènes de violence gratuite sur la population, et même des crimes
commis au nom du maintien de l’ordre et du secret qui doit entourer les
affaires de Garcia Luna. On dit qu’elle est protégée, qu’elle doit s’entourer
de gardes du corps, mais son courage est immense. Pourtant, tous ceux qui sont
cités dans ce livre restent en place, même s’ils perdent encore un peu de
crédit auprès de la population mexicaine.
Nicolas Sarkozy a bien compris le danger. Il doit traiter
avec des gens qui ne reculeront devant rien et, pour tenter de préparer au
mieux son voyage sur le plan juridique, il envoie secrètement un émissaire
chargé de discuter avec les conseillers du président Calderón. Encore une fois,
ce n’est pas n’importe qui : Jean-Claude Marin, procureur de la République
de Paris, un des plus hauts magistrats de France, un homme reconnu comme l’un
des meilleurs juristes du pays.
Et moi, dans tout cela ? Qu’est-ce que je viens faire
là-dedans ? Tout cela me dépasse depuis si longtemps, voilà ce que je
dirai à Carla Bruni si elle vient me voir. J’imagine déjà le branle-bas de
combat à la prison. Ce serait de la folie ! Je me dis parfois que cela ne
me vaudrait peut-être pas que des sympathies, qu’il pourrait y avoir des
jalousies, mais je m’en moque, maintenant. Frank Berton m’a dit au téléphone
que le couple présidentiel s’adresserait à moi d’une manière ou d’une autre. Je
sens autour de moi une confiance qui me rappelle la période de ma sentence,
quand on me disait : « C’est pour bientôt, Florence. Tout va bien
aller. Tu seras bientôt libre… » Je dois faire attention à ne pas trop me
réjouir, évidemment, mais c’est plus fort que moi. La visite du président, le jugement
en appel qui doit tomber d’un jour à l’autre, ce n’est forcément pas une
coïncidence. Et si c’était enfin la délivrance ?
C’est une garde qui me tire de toutes ces idées.
— Visite juridique, Florence.
Je suis dans la salle des visites. C’est l’après-midi
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