A l'ombre de ma vie
venus dans les
locaux de la police de Garcia Luna le 10 février 2006, soit juste après mon
intervention au téléphone dans l’émission de Denise Maerker, et juste avant
qu’ils changent de version à mon sujet. Il y a tout : leurs noms, leurs
signatures et les heures : ils sont venus trois fois. De 11 heures à
12 h 15, d’abord. Puis une deuxième fois de 19 h 31 à
21 h 38, et enfin en pleine nuit, de minuit à 0 h 35. Entre
deux, il est également fait mention d’un Cristian Hilario, c’est le nom de leur
garçon, entre 11 h 28 et 16 h 39.
— C’est la preuve ! C’est la preuve ! dit
Berton. Les policiers les ont convaincus de changer de version et de vous
accuser. C’est pour cela qu’il n’a été fait aucun procès-verbal de ces
rencontres. Que voulez-vous qu’ils y écrivent ? Qu’ils sont en train de
fabriquer des faux témoignages ?
Je suis de son avis, bien sûr. D’autant que c’est également
à partir de cette date que le couple et son enfant ont quitté le Mexique pour
s’installer au Texas, d’où ils ont témoigné lors du procès.
Et Frank Berton continue de fouiller mon dossier, et de
sortir des pièces. Une fois, deux fois, trois fois, il trouve des témoignages
reconnaissant avec précision la maison de Lupita et Alejandro comme celle où
les victimes ont été séquestrées. C’est d’abord Valeria Cheja Tinajero, une
jeune fille de dix-huit ans, qui a été enlevée du 31 août au 5 septembre 2005.
Pour celle-là, on ne peut pas m’en vouloir : à cette époque, j’étais en France,
je suis rentrée le 9 septembre. Le 30 décembre 2005, les policiers l’emmènent
dans cette maison à Xochimilco, et sa déposition est sans équivoque :
« Je reconnais le portail de couleur verte, la grande cour, le
rez-de-chaussée, je reconnais également la salle de bains où j’ai été
séquestrée. Le sol, la couleur des murs, le lavabo, le miroir. »
Il est important, ce miroir, parce que c’est grâce à lui, en
soulevant un peu le bandeau qu’elle avait sur les yeux, qu’elle a vu quelques
instants l’un de ses ravisseurs, qu’elle identifie comme le chef. Un peu plus
tard, la police lui présente une photo d’Israël, debout à côté de sa Volvo
blanche, et elle dit que ce peut être lui. Elle croit même le reconnaître. En
tout cas, elle est sûre d’avoir été enlevée dans une Volvo, même s’il lui
paraît qu’elle était d’un gris clair.
Le 26 décembre, c’est Ezequiel qui est allé à la maison de
Xochimilco. Sa déposition est exactement identique à celle de la jeune
fille : « Je reconnais la maison comme celle où j’ai été enfermé. Je
reconnais le portail métallique vert, le mur de ciment plat sans peinture, les
fenêtres intérieures en aluminium de couleur noire. » Il va même jusqu’à
reconnaître les couverts qu’il utilisait pour manger. D’ailleurs, deux jours
plus tard, la police revient pour de nouvelles perquisitions et retrouve dans
cette maison la carte d’identité d’Ezequiel, son permis de conduire, une carte
de fidélité d’un grand magasin à son nom, ainsi qu’une carte de visite. À la
même époque, Cristina Rios Valladares et son fils Cristian Hilario
reconnaissent eux aussi la même maison comme celle où ils ont été séquestrés.
Cette maison qui n’est pas le ranch, bien sûr, puisqu’elle s’en trouve à plus
de trente kilomètres.
Frank, qui vient de sortir toutes ces pièces en se plongeant
dans le dossier, est fou de rage :
— Pouvez-vous me dire pourquoi votre avocat n’a pas
demandé à ce que Lupita et son compagnon de l’époque soient entendus, lors du
procès ? C’est chez eux, cette maison, non ? Et ils n’ont jamais été
inquiétés ?
Non, jamais. C’est vrai qu’Horacio Garcia a demandé une
fois, oralement, à ce que Lupita, alors présente dans la salle, vienne
témoigner, mais on le lui a refusé et il n’a pas insisté. Il n’a jamais fait de
demande écrite. Pendant son séjour à Mexico, Frank demandera plusieurs fois à
le rencontrer, mais Horacio Garcia lui a toujours fait faux bond.
Dans mon dossier que nous épluchons encore, rejoints par
Agustin Acosta, nous trouvons d’autres choses incroyables. La déposition de
Cristian Hilario qui dit avoir reconnu la voix de son cousin, un certain Edgar,
pendant sa détention. Et sa mère confirme ! Un jour, cet Edgar aurait dit
à l’un de ses complices : « Tiens, voici les médicaments pour
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