Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
A l'ombre de ma vie

A l'ombre de ma vie

Titel: A l'ombre de ma vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Florence Cassez
Vom Netzwerk:
sur
la manière dont il a financé la construction de son habitation, qui leur semble
suspecte. Le ministre les a fait arrêter en les accusant de préparer
l’enlèvement d’un des membres de sa famille.
    Je ne sais pas qui de Frank Berton ou de mes parents s’en
inquiète le premier, mais ils sentent bien, tous, que je vais très mal. Ils
vont être à nouveau reçus par Nicolas Sarkozy à l’Élysée, et cette fois ils
font en sorte que je puisse appeler, participer, en quelque sorte, à cette
réunion. C’est un jeudi, au tout début du mois de juillet. Frank me dit
d’appeler à dix heures vingt, dix-sept heures vingt en France. Je ne tombe pas
tout de suite dans le bureau du président et je m’inquiète un peu parce qu’on
me passe de poste en poste. Enfin, je l’ai :
    — Oui, Nicolas Sarkozy. Comment allez-vous,
Florence ? Nous sommes dans mon bureau, avec Frank Berton, Thierry Lazaro
et vos parents, je mets le haut-parleur.
    Je perçois au ton de sa voix qu’il est agacé :
    — Les choses ne vont pas comme nous le pensions,
Florence. On se moque de nous !
    Quelqu’un dans son bureau lui demande sans doute de ne pas
en faire trop, mais il renchérit :
    — Moi, Nicolas Sarkozy, je vous dis, Florence, que je
ne vais pas vous laisser tomber.
    C’est à cause des écoutes téléphoniques, bien sûr, que ses
collaborateurs lui font signe de ne pas aller trop loin. Je le sais bien, que
nous sommes sur écoute, et j’ai presque envie de le lui dire, moi aussi, mais
il n’en a manifestement rien à faire :
    — Oui, je sais que nous sommes sur écoute. Eh bien,
qu’ils écoutent !
    Et là, pendant deux minutes, il parle de Garcia Luna, dit
son intention de l’attaquer en justice. Et j’écoute ça, cette détermination,
cette manière de dire les choses avec tant de conviction : de nouveau,
cela me transporte. C’est fou comme je me sens forte, d’un seul coup : je
me sens protégée. C’est bête, mais je ne me sens plus en prison, dans ces
moments-là. Je crois bien que je ferme les yeux.
    En fait, quand je parle avec Nicolas Sarkozy, j’ai tellement
envie de tout comprendre – il parle vite, je n’ai pas le droit de le faire
répéter –, j’ai tellement peur de passer à côté de ce qu’il me dit, que je fais
abstraction de tout ce qu’il y a autour de moi. C’est mon secret. Personne ne
va savoir ce qu’il me dit. Quand je raccroche, je croise les autres détenues et
elles ne savent pas : c’est ma protection, comme un voile autour de moi.
    Je m’applique de toutes mes forces à bien retenir les mots,
le plus précisément possible, pour les avoir encore en tête, les matins qui
suivent, en me réveillant.
    Le président est allé très loin, cette fois. Il a également
parlé de Luis Cardenas Palomino, le bras droit de Garcia Luna, celui dont toute
la presse dit qu’il a du sang sur les mains. On raconte ouvertement cet
épisode, dans un taxi, où l’un de ses amis, à ses côtés, a tué de sang-froid le
chauffeur parce qu’il n’avait pas de monnaie et que le pauvre homme lui
réclamait avec insistance l’argent de la course. C’est Anabel Hernandez qui me
l’a raconté. « Palomino a toujours couvert son ami », dit-elle. Et
Nicolas Sarkozy, au téléphone, l’a sûrement dit exprès : « Nous
savons ce qu’il a fait au chauffeur de taxi. »
    Je repense encore et encore à tout cela, et je me dis que le
président français était manifestement très en colère. Je ne sais pas très bien
ce que je dois en penser, parfois. Il s’en est pris directement à l’État
mexicain : « S’il faut que je dise que le Mexique est un pays hors
diplomatie, je le dirai ! Il est inadmissible qu’ils n’appliquent pas la
Convention de Strasbourg. »
    Tout cela va-t-il encore me retomber dessus ? Peut-être
pas, cette fois. C’est l’été qui arrive, et tout doucement on va m’oublier.
Avant cela, peut-être en réaction à ce coup de fil écouté, revoilà Ezequiel à
la télévision, avec Isabel Miranda de Wallace à ses côtés. Il n’a rien de neuf
à dire, mais on lui a sans doute demandé d’enfoncer le clou. Décidément, il
n’est pas très doué, parce que, en réponse à un journaliste qui lui demande
s’il se souvient du jour de sa libération – sans doute veut-il le piéger sur
l’histoire du montage au ranch –, il perd contenance et bafouille qu’il ne se
rappelle plus.
    — Vous souvenez-vous de l’heure,

Weitere Kostenlose Bücher