À l'ombre des conspirateurs
rez-de-chaussée. L’homme n’avait eu aucun mal à disparaître. Je me précipitai alors dans le couloir, où je me mis à hurler de toute la force de mes poumons pour donner l’alarme.
Helena reprenait déjà connaissance. Je m’approchai d’elle en murmurant des paroles rassurantes. Ignorant ses faibles protestations, je détachai sa ceinture et lui enlevai son collier de lapis-lazuli. Elle portait aussi une fine chaîne d’or entortillée autour du cou. Je tirai doucement dessus, persuadé qu’elle y avait accroché une amulette. C’était idiot de ma part : Helena Justina n’avait besoin de l’aide de personne pour combattre le mauvais œil. Au bout de la chaîne, il y avait ma bague en argent. Instinctivement, elle me la reprit des mains.
En réponse à mes hurlements, des tas de gens commencèrent à envahir la chambre. Je me frayai un chemin vers la sortie à travers leurs rangs serrés, laissant le soin à Helena de leur fournir les explications nécessaires. Persuadé qu’il s’agissait de Barnabas, je me lançai sur les traces de ce dangereux intrus.
Je décidai de commencer mes recherches par les écuries. En me voyant à cette heure, l’entraîneur Bryon prit un air complètement ébahi. Il avait beau être musclé, avant d’avoir eu le temps de réagir, il se retrouva avec les deux bras coincés dans le dos, collé contre un pilier de bois.
— Où est-il ?
Ses yeux se dirigèrent involontairement vers le bâtiment réservé aux chevaux de course. Je le lâchai et traversai la cour à toutes jambes. Mon arrivée intempestive effraya Ferox, le champion, qui se mit à ruer violemment contre la cloison de son box. En revanche, son piteux compagnon hennit de plaisir à ma vue. Je regardai nerveusement autour de moi et soudain, tout fut clair : un petit escalier de bois menait à un grenier. J’y grimpai sans réfléchir. Si l’affranchi s’était trouvé là, il n’aurait eu aucun mal à me fracasser le crâne au moment où je soulevai la trappe.
— Oooh ! ne pus-je m’empêcher de m’exclamer.
C’était le grenier à foin le mieux aménagé qu’il m’ait été donné de voir : un lit somptueux, une table d’ivoire, un cupidon de bronze tenant une lampe en forme de conque, une étagère où étaient rangés des flacons. Et puis le reste d’un repas sur un plateau d’argent, des noyaux d’olives éparpillés un peu partout comme des crottes de lapins… L’homme ne paraissait guère soigneux. Il avait laissé un indice éloquent de son passage : tout près de son lit, l’horrible cape verte pendait à une patère.
Bryon s’appliquait à calmer Ferox quand je descendis l’escalier.
— Tu vois, je cherche toujours Barnabas ! m’exclamai-je. Seulement maintenant, j’ai la preuve qu’il se trouve ici !
Assurément, le personnel avait reçu l’ordre de ne pas dire un seul mot sur Barnabas. Bryon laissa néanmoins échapper d’une voix coléreuse :
— Il va et vient. Le plus souvent, il s’en va. Et pour le moment, il est parti !
Ferox continuant de regimber, l’entraîneur m’accusa de lui faire peur.
— On peut régler gentiment ce problème, Bryon, ou moins gentiment !
— J’ignore complètement où il se trouve, Falco. Peut-être en train de parler au vieux. Je risque ma vie en parlant de lui…
Certain de ne plus rien tirer de lui, je quittai l’écurie en bouillonnant de rage. Je n’avais aucune chance de trouver Barnabas. S’il bénéficiait vraiment de la protection du vieil homme, l’affranchi devait se sentir en parfaite sécurité à la Villa Marcella.
Je traversai la ferme en lâchant des bordées de jurons, effrayant les poulets qui s’égaillèrent de tous côtés. Ensuite, je me mis en devoir de fouiller la maison aux yeux de tous, pour que chacun sache que j’étais sûr de la présence de Barnabas. J’entrai dans des salons vides, ouvris des greniers, envahis la bibliothèque, visitai toutes les chambres à coucher en reniflant l’air pour essayer de deviner si elles avaient été occupées récemment. Puis je tâtai les éponges des latrines en comptant combien étaient humides, vérifiai les lits des salles à manger pour voir s’ils étaient poussiéreux ou non. Les esclaves que j’avais réveillés ne pourraient plus prétendre ignorer la présence d’un homme mince et barbu dans la maison de leur maître – ni que l’agent irascible de l’empereur voulait lui mettre la main dessus. Ils semblaient
Weitere Kostenlose Bücher