À l'ombre des conspirateurs
meurtre.
— Oh ! soupira ma chère mère. Je suis sûre qu’il aurait pu faire pire.
Je me dis qu’elle faisait allusion à mes diverses activités. Je me levai de table et lavai la cuillère avec laquelle j’avais déjeuné, puis l’essuyai avec un morceau de tissu comme Helena Justina m’avait dit de le faire.
— Tout bien réfléchi, murmurai-je, je crois que je vais plutôt aller dans une taverne !
À la seule pensée d’ingurgiter du vin, je sentais mon estomac se retourner. Rotant douloureusement, je partis rendre visite à Petronius.
Encore trop faible pour retourner en patrouille, il broyait du noir chez lui, s’inquiétant beaucoup de l’ascendant que son remplaçant prenait sur ses hommes. Néanmoins, sa première question fut :
— Falco, pourquoi est-ce que les hommes du palais sont après toi ?
Anacrites !
— Un malentendu au sujet de mes dépenses.
— Menteur ! Il m’a lu ce qu’il y avait sur le mandat.
— Ah, bon ?
— Et il a essayé de m’acheter !
— Pour faire quoi, Petro ?
— Te livrer !
— Par simple curiosité, il t’a offert combien ?
— Pas assez ! me répondit Petro en s’esclaffant.
Il n’y avait pas la moindre chance de voir Petronius Longus collaborer avec un espion du palais, mais Anacrites savait ce qu’il faisait : laisser courir le bruit qu’il y avait de l’argent à gagner. Si Smaractus, mon propriétaire, se décidait à récupérer l’argent de mon loyer, ses troupes de choc risquaient d’avoir moins de scrupules que Petro. Un vrai guêpier, mais je tenais à garder mes craintes pour moi.
— T’en fais pas, dis-je sans grande conviction. Je vais arranger ça.
Mon ami laissa échapper un petit rire acide.
À ce moment-là, Arria Silvia vint nous surveiller – ce qui était l’un des inconvénients de rendre visite à Petronius dans sa propre maison. La conversation tourna alors autour de leur voyage de retour, de mon voyage de retour, de mon cheval, et même des recherches concernant Pertinax… Pas une fois le nom d’Helena ne fut mentionné. C’est seulement quand je pris congé que Silvia n’y put résister :
— Tu sais, pour Helena ?
— Oui. C’est son père qui m’a mis au courant de la situation.
— Oui, et quelle situation ! s’exclama-t-elle, visiblement indignée. Tu l’as vue, depuis ton retour ?
— Elle sait où me trouver si elle a envie de me voir.
— Oh ! Falco ! Par Jupiter !
Je croisai le regard de Petro, et il dit à voix basse à sa femme :
— On n’a pas à s’en mêler. Ils arrangent leurs affaires comme ils veulent.
— Si je comprends bien, elle vous en a parlé ?
— Je lui ai posé la question de confiance ! s’écria Silvia. On voyait bien que ça ne tournait pas rond pour cette pauvre fille.
— Eh bien, vous pouvez vous sentir honorés. À moi, elle n’a rien dit ! Alors avant de me condamner, Silvia, essaye d’imaginer ce que je ressens. Je ne comprends pas pourquoi Helena Justina ne m’a pas fait part de la nouvelle, mais je pense le deviner.
— Tu crois que le père est quelqu’un d’autre ? demanda Silvia, horrifiée.
Cette pensée ne m’avait jamais traversé l’esprit.
— Évidemment, c’est une possibilité, acquiesçai-je néanmoins.
En certaines circonstances, Petronius pouvait s’offusquer facilement. Il ne put se retenir d’intervenir avec véhémence :
— Tu n’as pas le droit de dire une chose pareille, Falco !
— J’avoue ne plus savoir quoi penser.
C’était faux. Je savais ce que je pensais. Et c’était encore bien pire.
Je leur jetai un dernier regard, et constatai qu’ils étaient aussi furieux contre moi l’un que l’autre. Je partis sans ajouter un mot.
Prétendre que je n’étais pas le père du bébé était insultant pour Helena, et humiliant pour moi, mais également plus supportable que la vérité. Conscient de qui j’étais, et de la façon dont je vivais, je ne pouvais en vouloir à la fille d’un sénateur de taire qu’elle portait un enfant de moi.
Sans que je comprenne la signification de ses propos sur le moment, elle m’avait déjà prévenu de ce qu’elle comptait faire. Elle « réglerait le problème ». Pour moi, ça ne pouvait signifier qu’une seule chose.
Pour l’heure, forcé de reconnaître ma méchante gueule de bois, je rentrai passer le reste de l’après-midi au lit.
80
Dormir ne constitue pas toujours une perte de temps. Quelque part
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