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À l'ombre des conspirateurs

À l'ombre des conspirateurs

Titel: À l'ombre des conspirateurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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rue que je cherchais, toujours aussi étroite, mais la taverne avait trouvé moyen d’installer deux tables à l’extérieur. Dans le mur gris d’en face, deux boutiques que je n’avais pas remarquées la dernière fois avaient levé leurs auvents pour attirer les chalands. L’une d’elles étant une pâtisserie, j’essayai de me faire les dents sur une de leurs productions : un truc rond, gros comme la moitié de mon poing, et aussi coriace que les boulettes de viande de ma sœur Junia, avec en prime l’arrière-goût d’une vieille couverture de cheval. Au fur et à mesure que je l’avalais, mes intestins protestaient de plus en plus bruyamment contre cet outrage moral. Il était hors de question de le jeter dans le caniveau : je risquais de le boucher. Surtout, ma mère m’a appris à ne pas gaspiller la nourriture.
    L’avantage de ce gâteau difficile à mâcher, c’est qu’il me laissait le temps d’observer discrètement une fenêtre : celle de la chambre du premier étage louée, il n’y avait pas si longtemps, par un dénommé Barnabas. Une ombre se déplaçait à l’intérieur. Un coup de chance inhabituel pour moi.
    J’étais en train de me lécher les doigts quand la porte de la rue s’ouvrit, livrant passage à deux hommes. L’un n’arrêtait pas de parler et portait un encrier pendu à sa ceinture. Sans doute un scribe. L’autre, ignorant les torrents de paroles de son compagnon, jeta un regard soupçonneux dans la ruelle. Il s’agissait de Pertinax.
    Il regarda à droite et à gauche sans rien remarquer. Je me trouvais pourtant suffisamment près de lui pour détailler ses cheveux clairs ébouriffés et ses narines pincées dans un visage troublé. Il aurait dû me reconnaître aussi, même avec le crâne quasiment rasé.
    Les deux hommes se serrèrent la main et partirent chacun de son côté. Je dus laisser l’encrier passer devant moi avant de prendre Pertinax en filature. Heureusement. Deux joueurs de dames, installés à une table de la taverne, arrêtèrent leur partie pour emboîter le pas à Pertinax. Eux aussi se séparèrent, l’un d’eux se dépêchant de le dépasser et l’autre restant derrière. Au coin de la venelle, un troisième homme se joignit à celui de l’arrière. J’eus la présence d’esprit de me dissimuler dans une embrasure de porte, assez près pour entendre ce qu’ils se dirent à voix basse.
    — Celui-là, on le tient. Cristus va pas le laisser s’échapper.
    — Et Falco ?
    — Pas encore. J’ai passé la journée à le chercher dans tous les endroits qu’il fréquente, et j’ai fini par apprendre qu’il avait passé la journée chez lui. Je l’ai manqué ! Le meilleur moyen de le coincer c’est d’utiliser Pertinax comme appât.
    Des hommes d’Anacrites, de toute évidence. Je leur abandonnai le terrain.
    Une nouvelle complication venait de se présenter. J’allais devoir prévenir Pertinax qu’il était filé. Si je ne le persuadais pas de se débarrasser de ses suiveurs du palais, je ne pourrais jamais m’approcher de lui sans me faire arrêter moi-même.
    Le moment paraissait venu de me remettre à boire.

81
    La nuit venue, l’atmosphère de la taverne était aigrelette. Ses nombreux clients, en majorité des tailleurs de pierre et des débardeurs musclés, en tunique de travail, buvaient et transpiraient abondamment. Je me glissai parmi eux, en faisant assaut de politesse, pour atteindre le comptoir. Je commandai un flacon à la vieille femme laide en précisant que j’allais m’installer dehors. Comme je l’avais espéré, c’est la fille qui m’apporta ma commande.
    — Qu’est-ce qu’une jolie fille comme toi fait dans ce boui-boui ?
    En disposant le flacon et le gobelet sur ma table, Tullia m’adressa le sourire de commande qu’elle réservait aux inconnus. J’avais oublié combien elle était jolie. Ses grands yeux sombres me jetèrent un regard en coin pour me jauger. Elle essayait de déterminer si j’étais intéressé par elle. À vrai dire, je me le demandais moi-même. Tullia, qui connaissait son métier, devina la réponse la première. Elle avait perçu la tristesse qui stagnait, faisant de moi un client à éviter. Elle allait s’éloigner quand je la saisis par son poignet délicat.
    — Reste un peu avec moi ! (Elle laissa éclater un rire artificiel et essaya de se dégager.) Assieds-toi, chérie.
    Elle m’observa de plus près pour voir si j’étais ivre, et constata tout de

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