À l'ombre des conspirateurs
pas la première future mère célibataire à se voir imposer ce genre de solution.
— Insulter sa famille ne t’aidera en rien.
— Excuse-moi. J’ai réfléchi trop longtemps, ça ne me réussit jamais.
Julia Justa laissa échapper un soupir d’impatience.
— Franchement, cette conversation ne nous mène nulle part. Pourquoi es-tu toujours ici ?
— J’ai besoin de voir Helena.
— Elle ne t’a pas demandé une seule fois, Falco !
— Quelqu’un d’autre, alors ?
— Non.
— Donc personne ne se sentira offensé si j’attends ?
La mère d’Helena aboutit à la conclusion que le seul moyen pour me décider à rentrer chez moi, c’était de me laisser voir Helena.
Elle se trouvait dans une petite chambre bien rangée, probablement celle qu’elle occupait étant enfant. Elle avait dû s’y installer après son divorce, pour mieux oublier son vaste logement de la résidence Pertinax.
Dans un lit étroit, sous un couvre-lit en lin naturel, Helena était étendue, inconsciente. Son visage aux traits tirés, d’une pâleur inquiétante, portait les stigmates de la douloureuse épreuve qu’elle venait de subir. En la voyant dans cet état, je ne pus m’empêcher de soupirer à haute voix :
— Oh ! On n’aurait pas dû lui faire ça. Elle ne se rend même pas compte que des gens sont autour d’elle.
— Elle souffrait, et avait besoin de se reposer.
Je refoulai l’idée qu’elle avait surtout besoin de moi.
— Est-ce qu’elle court un danger ?
— Non, répondit sa mère beaucoup plus calmement.
— Accepterez-vous de me dire la vérité ? demandai-je. Helena avait-elle envie d’avoir cet enfant ?
— Oh, oui ! répondit sa mère sans hésiter. Cet événement vous avait placé dans une position difficile, ajouta-t-elle d’une voix grêle. Vous devez vous sentir plutôt soulagé.
Elle essayait de dissimuler son mécontentement, mais je percerais les traces de la crise qu’avait dû surmonter la famille au cours des derniers jours. Quand elle avait pris une décision, Helena Justina s’y tenait contre vents et marées.
— Comme vous savez bien me juger, rétorquai-je d’un ton sec.
Je tenais à ce qu’Helena sache que j’étais venu la voir.
Ne trouvant rien de mieux à lui laisser, je retirai l’anneau portant mon sceau et le posai sur la table d’argent à côté de son lit. Entre son gobelet d’eau en verre rose et une poignée d’épingles à cheveux en ivoire, ma vieille bague usée paraissait encore plus laide, avec sa pierre rouge sale et son métal verdâtre. Au moins, elle se rappellerait tout de suite sur quelles grosses pattes elle l’avait déjà vue.
— J’aimerais que personne ne l’enlève.
— Je lui dirai que tu es venu, protesta Julia Justa.
— Merci, dis-je.
Je n’en laissai pas moins la bague là où elle était.
Sa mère me suivit hors de la pièce.
— Falco, c’était un accident, insista-t-elle.
Je croirais à la thèse de l’accident quand Helena Justina me le confirmerait elle-même.
— Que s’est-il passé ?
— Est-ce que ça te regarde, Falco ? (Pour une femme assez banale – ainsi que je la jugeais –, Julia Justa savait parfaitement envelopper une question de sous-entendus. Je ne répondis rien, la laissant décider elle-même. Elle reprit, d’un ton abrupt :) L’ancien mari de ma fille a demandé à la rencontrer, et ils se sont querellés. Il a tenté de l’empêcher de partir. Elle a réussi à se libérer, mais a glissé en descendant l’escalier en courant…
— C’est donc de la faute de Pertinax !
— Cela aurait pu arriver, de toute façon.
— Pas comme ça ! éclatai-je.
Julia Justa resta silencieuse quelques instants.
— Non, dit-elle enfin. (Pour un court moment, notre antagonisme s’évanouit.) La violence dont il a fait preuve a certainement augmenté la détresse d’Helena… As-tu l’intention de revenir ?
— Quand je pourrai.
— Vraiment généreux de ta part ! s’écria la femme du sénateur. Didius Falco, tu es arrivé un jour après, mais je suppose que c’est dans tes habitudes de ne jamais être là quand on a vraiment besoin de toi. Je suggère que tu t’abstiennes de remettre les pieds ici.
— Il y a peut-être quelque chose que je peux faire.
— Permets-moi d’en douter ! s’exclama-t-elle d’un air dédaigneux. Après ce qu’il vient de se passer, Falco, j’imagine que ma fille ne voudra plus jamais te
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