À l'ombre des conspirateurs
endroit à la mode, mais les gens qui louaient des appartements dans ce quartier aéré n’avaient pas à se plaindre. Quand Vespasien était encore un jeune politicien, son fils le plus jeune – Domitien, le scorpion qu’abritait l’empereur au sein de sa famille – était né dans une chambre à l’arrière de la via Pomegranate. Par la suite, c’est dans ce quartier que s’élevait la résidence de la famille Flavien, avant qu’ils ne décident de déménager au palais impérial.
J’éprouvais un étrange sentiment en revenant dans cette habitation où j’avais travaillé en croyant Pertinax mort. Le fait qu’Helena paraissait considérer cet endroit comme un terrain neutre m’apparaissait encore plus bizarre.
La résidence elle-même n’avait pas encore été vendue. Geminus aurait parlé d’une propriété « qui attendait le bon client ». En clair : une maison trop grande, trop chère, et ayant la mauvaise réputation d’abriter des fantômes.
Un portier envoyé par le palais gardait la demeure. Je m’attendais à le trouver profondément endormi, mais non. J’eus à peine le temps de frapper qu’il ouvrait déjà la porte. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : il s’était déroulé des événements qui avaient troublé sa routine. Je sentis mon cœur se serrer.
— Falco !
— Un homme du nom de Pertinax est venu ?
— J’ai compris tout de suite qu’il allait m’attirer des ennuis. Il s’est fait passer pour un acheteur.
— Oh ! Jupiter ! Il est encore ici ?
— Non.
— Il y a longtemps qu’il est parti ?
— Des heures.
— Avec une dame ?
— Ils sont venus séparément.
— Je te demande s’ils sont partis ensemble ?
— Non, Falco.
Je m’assis sur le tabouret du portier, et me pressai les tempes pour dissiper ma mauvaise humeur. Ensuite, je lui demandai calmement de me raconter comment les choses s’étaient passées.
D’abord, Pertinax s’était mis à visiter les lieux comme tout futur acheteur. Puisqu’il n’y avait rien à voler, le portier l’avait laissé faire. Puis Helena était arrivée. Elle m’avait demandé, mais était entrée sans attendre.
Le portier les avait entendus ergoter au premier étage, ce qui ne lui avait pas paru surprenant : quand deux personnes visitent une maison en vue de l’acheter, il est bien rare qu’elles tombent d’accord sur tout. Ensuite, le ton avait monté, et le portier s’en était inquiété. Il avait trouvé Helena Justina dans l’atrium, visiblement agitée, tandis que Pertinax hurlait après elle depuis le palier du premier. Elle était passée devant le portier en courant pour s’enfuir. Pertinax l’avait tout de suite suivie, mais parvenu à la porte, il avait brusquement changé d’avis.
— Il a vu quelque chose ?
— La dame parlait dehors à un sénateur. Celui-ci l’a aidée à monter dans sa chaise et a ordonné aux porteurs de se dépêcher.
— Il est parti avec elle ?
— Oui. Pertinax est resté à grommeler dans l’embrasure de la porte jusqu’à ce qu’il les ait vus disparaître tous les deux. Et puis il est parti aussi.
Des coups violents frappés à la porte annoncèrent Milo, le dompteur de chiens.
— Falco ! Enfin ! s’écria-t-il, à bout de souffle malgré tout son entraînement. Je t’ai cherché partout. Gordianus te demande de toute urgence.
Nous quittâmes l’ancienne résidence de Pertinax pour celle de Gordianus, également sur le mont Quirinal. En chemin, Milo me confia que Gordianus était venu à Rome dans le but de venger la mort de son frère. Ce matin, en se promenant dans ce quartier tranquille, il avait repéré Pertinax et l’avait suivi. C’est lui qui avait raccompagné Helena Justina à la maison.
— Tu veux dire chez lui ?
— Non, chez elle.
Il m’était soudain impossible de faire un pas de plus.
— Pourquoi chez elle, quand sa propre maison se trouvait à deux pas ? Lui, un sénateur, traversant la ville à pied jusqu’à la porte Capena ? Pourquoi cette précipitation ? Pourquoi la dame était-elle si bouleversée ? Était-elle malade ? Blessée ? (Milo n’en savait rien. Nous étions arrivés à l’entrée de la rue où habitait Gordianus, mais je refusai de le suivre.) Je suis trop inquiet, Milo. Dis à ton maître que je passerai le voir plus tard.
— Mais enfin, Falco, où vas-tu ?
— À la porte Capena.
84
Traverser Rome me prit une bonne heure. Je pris pourtant le
Weitere Kostenlose Bücher