À l'ombre des conspirateurs
chose avec les rubans ? L’honorable Helena Justina. Un père au Sénat, et deux frères dans l’armée, à l’étranger. Mariée, puis divorcée. Une éducation adéquate, un visage passable, des biens personnels estimés à un quart de million…
— Une femme intéressante, alors !
— Elle m’a qualifié de rat.
— Oh ! oui. J’ai deviné que vous étiez très proches, déclara mon neveu avec la note d’humour qui lui était de plus en plus coutumière.
33
Pendant tout le trajet, je gardai un silence renfrogné. J’essayais d’ordonner les pensées tourbillonnant dans ma tête. Larius sifflotait jovialement à travers ses dents serrées.
Plutôt que de songer à Helena, je me concentrai sur Caprenius Marcellus. Peut-être détourné de la politique, mais l’esprit toujours vif. Il avait dû tout connaître du complot mijoté par Pertinax – et l’avait probablement encouragé. J’aurais parié gros qu’il savait également où se trouvait Aufidius Crispus. Je me demandai aussi si Marcellus avait invité Helena Justina pour lui soutirer des renseignements sur le déroulement officiel de l’affaire, après la mort de son fils adoptif.
En tout cas, Helena m’avait rayé de ses pensées. J’arrivais à peine à le croire. Les souvenirs remontant à six semaines firent naître en moi une chaleur qui se propagea dans tout mon corps. À quoi pouvait-elle bien penser, maintenant ? Sans doute s’il valait mieux choisir une livre de saucisse de Lucanie, ou bien un de ces fromages de chèvre coniques des montagnes de Lactari. Avec l’appétit que je lui connaissais, elle allait probablement manger les deux.
Larius et moi dévorâmes nos pommes à l’ombre des oliviers.
Je m’apprêtais à une longue attente. Le déjeuner du consul allait bien durer trois heures, et il serait bien arrosé. Son Honneur avait rempli lui-même une gourde qui, à mon avis, dépassait les possibilités d’absorption d’un vieillard et d’une jeune femme. Surtout que la jeune femme en question buvait peu. Quant à Marcellus, il me paraissait le genre d’invalide qui profite au maximum de sa convalescence.
Pour tuer le temps, j’entamai une conversation avec Larius.
Je dois avouer qu’il avait une bien meilleure connaissance de la vie que moi à 14 ans. L’éducation moderne avait fait bien des progrès. Tout ce que j’avais appris à l’école, c’était les sept éléments de la rhétorique, un mauvais grec, et l’arithmétique de base.
— Il faut que je te donne quelques tuyaux pour te comporter avec les femmes, Larius…
Je tentai de lui inculquer des détails techniques, en usant du ton grave que j’aurais employé pour une leçon de morale. Larius m’écoutait en se tortillant, l’air très convaincu.
— Ne t’en fais pas, tu trouveras une fille. Ou, plus exactement, c’est une fille qui te trouvera.
Il n’en croyait pas un mot, persuadé que son cas était sans espoir. Je passai un long moment à lui redonner confiance en lui. Doté d’une âme charitable, mon neveu m’écoutait patiemment.
— Tout ce que je te demande, c’est de faire attention. En tant que chef de famille, je trouve qu’il y a déjà assez de marmots réclamant qu’on leur remplisse leur bol de bouillie d’avoine… Il existe des moyens pour éviter les mômes : se retirer au moment de plus grande passion, ou manger de l’ail pour éloigner les femmes. On dit d’ailleurs que l’ail est bon pour la santé. Certains recommandent une éponge trempée dans le vinaigre…
— Pour quoi faire ?
Larius paraissait vraiment intrigué. Je lui expliquai la méthode à suivre. Il allongea le visage comme s’il estimait qu’il s’agissait d’un procédé peu fiable.
— Mon frère Festus m’a aussi dit un jour qu’on pouvait acheter des fourreaux en vachette très fine, qui protègent les organes sexuels contre certaines maladies. Il m’a juré qu’il en avait un, mais il a toujours refusé de me le montrer. Selon lui, ça empêche aussi les petits accidents tout frisés…
— Tu crois que c’est vrai ?
— Non, si j’en juge par Marcia. Son fourreau en peau était peut-être à la laverie, ce jour-là.
— Quelles sont les alternatives ? demanda Larius en rougissant.
— Être trop soûl pour faire l’amour, vivre dans le désert, choisir une fille qui a souvent la migraine… Ou en trouver une de la haute qui saura où se faire avorter, et qui sera assez riche pour payer
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