Abdallah le cruel
souffle.
Le gouverneur de Tudela lui offrit la main de sa fille, Aïcha, qu’il avait richement
dotée. Ce mariage inquiéta l’émir qui envoya un émissaire rencontrer le jeune
marié, dont la famille avait toujours loyalement servi les Omeyyades. Lorsque
le messager lui demanda s’il entendait rester loyal ou faire dissidence, Izraq
se contenta de répondre : « Les fêtes célébrant cette union ne sont
pas encore terminées. Quand elles auront pris fin, tu verras le parti que j’ai
résolu de suivre. » Trois semaines plus tard, au printemps 245 [31] le seigneur de Guadalajara se présenta à l’entrée de la porte des Jardins à
Kurtuba. Il fut conduit devant l’émir qui ne manqua pas de lui reprocher son
mariage. Le jeune homme reprit confiance lorsqu’il entendit son souverain lui
dire : « Quel dommage peut te causer le fait que ton ami se soit
marié avec la fille de ton ennemi ? S’il est possible par ce lien de le
faire se soumettre à l’obéissance, je le ferai, dans le cas contraire, je serai
de tous ceux qui le combattront. » Izraq repartit chargé de somptueux
présents. De retour chez lui, il eut la désagréable surprise de constater que
son beau-père, furieux de sa visite dans la capitale, ravageait ses domaines et
s’était enhardi jusqu’à mettre le siège devant sa forteresse.
Une nuit, alors qu’il dormait aux
côtés de son épouse, celle-ci se réveilla en sursaut et aperçut par la fenêtre
un homme attaquer un détachement de soldats de son mari. « Regarde, quel
lion celui qui agit ainsi ! » s’écria-t-elle. Or, cet homme n’était
autre que Musa Ibn Musa Ibn Kasi. Piqué au vif, Izraq répliqua : « Il
semble que tu crois que ton père vaut plus que moi et qu’il est plus brave.
Quelle erreur ! » Enfilant à la hâte une cotte de mailles, il sortit
à la tête d’un groupe de cavaliers et blessa d’un coup de lance Musa qui
s’enfuit. Transporté en litière jusqu’à son palais, le gouverneur de Tudela
expira avant d’arriver dans sa cité. Quand Mohammad apprit son décès, il
exulta. Tous ses ennemis étaient désormais hors de combat et l’avenir se
présentait pour lui sous un jour favorable. C’est du moins ce qu’il croyait.
Chapitre II
Une foule nombreuse se pressait à
l’entrée des appartements occupés au palais par Hashim Ibn Abd al-Aziz, le
favori de Mohammad. Cadis, gouverneurs, officiers, commerçants et propriétaires
terriens, tous attendaient avec impatience d’être reçus par ce brillant
officier, dont les seuls défauts étaient la cupidité et une ambition dévorante.
Abusant du crédit que lui procuraient ses victoires, il avait intrigué pour
écarter ses rivaux, en particulier le chambellan Mohammad Ibn Moussa, qu’il
jugeait par trop timoré, ainsi que le fils aîné du monarque, Mundhir. Il avait
eu l’occasion de s’opposer à lui à plusieurs reprises et était parvenu à
l’éloigner de la cour en lui confiant le commandement de plusieurs saifas.
Chaque jour, il mesurait au nombre
des solliciteurs le poids de son influence. Ce matin, ils étaient plusieurs
dizaines. Les uns, sous l’œil envieux de leurs compagnons, étaient reçus
immédiatement. Les autres, résignés, savaient qu’ils devraient patienter des
heures ou des jours, peut-être en vain. Tous avaient pourtant pris la
précaution d’envoyer au préalable de somptueux présents au principal conseiller
de l’émir dans l’espoir de profiter d’une promotion, d’un marché ou d’une
exemption fiscale.
Hashim Ibn Abd al-Aziz régentait
ainsi la vie du palais et avait introduit plusieurs changements d’importance à
l’Alcazar. Les eunuques, jadis très influents, en particulier sous le règne
d’Abd al-Rahman II, étaient désormais cantonnés à la simple surveillance
des femmes du harem et ne jouaient plus aucun rôle politique. Abou L-Moufridj,
auquel Mohammad devait son trône, était mort dans des circonstances
mystérieuses. Ses compagnons, qui avaient trahi Tarub et Abdallah, n’avaient
reçu aucune gratification. Des esprits bien intentionnés les avaient avertis
qu’ils devaient s’estimer heureux de ne pas être jugés pour haute trahison, en
raison de leur attitude fluctuante lors de la mort du souverain. Du jour au
lendemain, les courtisans avaient cessé de rechercher leurs faveurs et se
contentaient de remplir d’humbles tâches domestiques.
Versé dans l’art des mathématiques,
Mohammad, dont la pingrerie
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