Abdallah le cruel
Chrétiens, ils n’avaient pas refusé de fournir de
forts contingents et s’étaient distingués au combat sans que leur zèle soit
récompensé. Hashim les détestait et avait mis en garde contre eux le souverain,
arguant que ces rejetons d’un traître finiraient par ôter leur masque et
revenir aux errements dont leur géniteur s’était rendu coupable.
De fait, furieux de l’ingratitude
manifestée à son égard, Mutarrif, le plus belliqueux d’entre eux, fit
prisonnier le wali de Tudela en safar 258 [41] ;
son frère, Ismaël, l’imita en démettant de ses fonctions le wali de Sarakusta.
Ignorant les raisons exactes de cette révolte, l’émir leva une armée, mit le
siège devant Tudela. Il s’empara de la ville et fit exécuter Mutarrif et ses
trois fils, Lubb, Mohammad et Musa, bien que ces derniers aient tenté d’obtenir
leur grâce en expliquant les humiliations qu’ils avaient subies de la part de
Hashim Ibn Abd al-Aziz. Ce dernier les accabla d’insultes et produisit de faux
documents attestant qu’ils avaient appelé à la rescousse les Francs. Ce déni de
justice ne porta pas bonheur à ses auteurs : le royaume connut deux
longues années de sécheresse, infiniment plus dure que la précédente. La
canicule frappant également l’Ifriqiya, celle-ci ne put envoyer ses stocks de
grains qui suffisaient à peine à nourrir sa population. Devenue rapidement
critique, la situation empira en raison de la cupidité de Hashim Ibn Abd
al-Aziz. Alors que les paysans mouraient de faim ou se réfugiaient en ville
dans l’espoir que les autorités leur distribueraient des secours, Mohammad
avait demandé au sahib al-madina [42] Walid Ibn Ghanim ce qu’il comptait faire en ce qui concernait la levée de la
dîme. Son serviteur, connu pour sa générosité et son humanité, lui avait
répondu :
— Seigneur, la dîme n’est
exigée que s’il y a semailles et récoltes et, en cette année, tes sujets n’ont
ni semé, ni récolté. Je crois que tu devras puiser dans tes greniers et tes trésors.
Peut-être Dieu voudra que l’année prochaine soit meilleure !
L’émir était résolu à suivre ce sage
conseil quand son favori insinua que Walid Ibn Ghanim faisait preuve d’un
pessimisme exagéré et cherchait – Dieu sait à quelles fins ? – à
se ménager les faveurs de l’opinion. Il suggéra de le destituer et de le
remplacer par l’un de ses amis, Hamdoun Ibn Basil, surnommé al-Achhab, « la Jument grise », qui se faisait fort de renflouer les caisses du
Trésor. Hashim prétendait que la sécheresse n’affectait qu’une partie du
royaume et que les contribuables l’exagéraient pour se dérober à leurs
obligations. Hamdoun Ibn Basil succéda à Walid Ibn Ghanim et eut recours à la
violence. Les demeures des simples citoyens furent perquisitionnées et leurs
maigres stocks de blé confisqués. Ceux qui refusèrent d’indiquer aux agents du
fisc l’endroit où ils avaient caché leurs réserves furent bastonnés, torturés
jusqu’à ce qu’ils se décident à avouer.
De passage à Kurtuba, l’héritier du
trône, Mundhir, reçut une délégation de notables venus solliciter son
intervention. Après avoir parcouru les quartiers de la cité et constaté les
terribles ravages de la famine, le prince se rendit à l’Alcazar et mit au
courant le monarque des méthodes employées par Hamdoun Ibn Basil, ajoutant que
Hashim Ibn Abd al-Aziz vendait au plus offrant les grains ainsi récoltés.
Furieux d’avoir été abusé, Mohammad destitua le préfet de la ville et offrit à
Walid Ibn Ghanim de reprendre ses fonctions, s’attirant en réponse un refus
sans appel :
— Non, je suis maintenant
conscient du type de considération que je mérite auprès de toi. Tu as cru que
j’étais un homme que tu pouvais remplacer en nommant Hamdoun Ibn Basil ou tout
autre du même acabit. Je te jure par Dieu que jamais je n’accepterai de ta part
un quelconque emploi.
Afin de procurer à son peuple les
vivres dont il manquait cruellement, Mohammad décida de lancer une expédition
contre les Chrétiens du Nord dont les terres étaient épargnées par le terrible
fléau. Cette saifa, placée sous les ordres de Mundhir et de l’ancien rebelle
Ibn Marwan Ibn Djilliki, fut couronnée de succès. Les Vascons, jadis rebelles
et désormais parmi les plus loyaux sujets des rois Chrétiens, furent écrasés et
Garcia Fortun, le fils de leur roi, surnommé al-Ankar , « le Borgne »,
fut
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