Adieu Cayenne
époque, une affaire extraordinaire : celle
du bandit Lampéro, dit le Lion du Nord.
Deux mois passent.
Le Lion du Nord décide de prendre des
vacances. Il part pour les montagnes ! Voilà donc une bande
perdue.
À ce moment, la police de Pernambuco se
rappelle qu’on lui en a signalé une autre : la bande à
Bonnot !
Elle cherche dans ses archives, retrouve le
télégramme de la Sûreté à Paris et décide d’agir.
On peut lire dans les journaux de Recife des
articles qui font croire que la bande à Bonnot vient de traverser
l’Atlantique et se prépare à piller l’État de Pernambuco. On y
précise que l’un des principaux acteurs de cette sanglante
compagnie, Eugène Dieudonné, qui était au bagne, s’est évadé de la
Guyane avec de nombreux complices dans le but de reprendre au
Brésil les exploits qui terrorisèrent l’État de la Seine. – Tenez,
dit Dieudonné en fouillant une vieille besace, voilà ces journaux.
Regardez si je mens !
La police de Pernambuco arrête les évadés de
la Guyane domiciliés à Recife.
Que ceux-là me pardonnent. Ils ont souffert à
cause de moi.
Je ne suis pas dans le nombre. Mais il s’y
trouve un traître. Lui sait par d’autres évadés que j’habite Belém
et que je m’appelle Michel Daniel. Il me vend contre sa
liberté.
Cinq minutes d’entr’acte, fait Dieudonné. Un
mouchard m’a toujours mis hors de souffle.
– Qui était-ce ?
– J’en soupçonne deux. Je ne puis donner un
nom. Je suis payé pour savoir que l’on ne doit pas accuser sans
certitude.
La police de Pernambuco n’aurait plus,
légalement, qu’à se tenir tranquille. Ce n’est pas ce qu’elle
décide. Pourquoi ? Me croyant un redoutable bandit, elle
espère une forte prime de la France.
Deux de ses as prennent le bateau. Cinq jours
de mer. Ils débarquent à Belém. Cela constitue le premier
chapitre.
Passons au deuxième acte, continue
Dieudonné.
Les deux as de Pernambuco vont trouver le
préfet de Para. Ils lui dévoilent que son État court un grand
danger. Ils lui récitent la fable des journaux de Pernambuco.
– Bien, dit le préfet, un peu surpris de
posséder depuis si longtemps la peste chez lui sans s’en être
aperçu. Voilà deux de mes agents. Arrêtez-le.
On m’arrête à l’Estrella da Serra, le verre
d’eau aux lèvres.
Vous suivez bien ?
– Je suis.
– On arrête Jean-Marie, Paul Vial,
Rondière ; on fait une rafle générale des évadés, ces évadés,
ne l’oubliez pas, qui devaient constituer, sous ma haute direction,
la nouvelle bande à Bonnot !
Ah ! j’en ai commis, des
dégâts !
La police de Para, qui ne se considère pas
comme aveugle, est piquée dans son orgueil. Elle avait un grand
bandit chez elle et n’en savait rien ! Elle dit :
« Voire ! »
En deux heures, elle fait le tour des maisons
où je travaille, où je mange, où je couche. Elle ne découvre pas de
bandit, mais un ouvrier assidu, un citoyen rangé.
Le deuxième préfet m’appelle dans son bureau,
me serre la main. Vous revoyez la scène ?
– Je revois.
– Le lendemain, ayant étudié mon affaire,
contrôlé les renseignements, le premier préfet me reçoit chez lui.
C’est là que nous fumons ensemble et qu’il vient bavarder quatre
heures avec moi, auprès de mon lit, ce qui pour le moins me faisait
ouvrir les yeux autant que la bouche.
Pendant que l’on me ramenait en prison, mon
sort se décidait : Para refuserait de me livrer à
Pernambuco.
Les journaux, sous l’inspiration du préfet,
écrivaient des phrases que je vais vous traduire parce qu’elles en
valent la peine.
(Il fourragea dans un tas de vieilles
gazettes.)
– Écoutez :
« La recherche de la police de Pernambouc
nous semble étrange. La présence de Dieudonné chez nous devrait
moins l’incommoder que, chez elle, celle du Lion du Nord et de sa
bande… Évidemment, il est plus commode de se tailler un succès en
s’attaquant à un humble forçat dont la conduite est exemplaire qu’à
des bandits bien chaussés et bien armés et tout à fait décidés. Les
intentions de la police de Pernambuco sont donc inavouables. Nous
ne lui remettrons pas l’ébéniste évadé pour être transporté à
Recife et de là à Cayenne ou à Paris. Ce serait un acte ni noble,
ni juste, ni humain. »
Cet article, – lisez, – était signé Antonio
Nello, deuxième préfet.
Là-dessus, la préfecture de Para prie les
policiers de Pernambuco de retourner dans leur
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