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Aesculapius

Aesculapius

Titel: Aesculapius Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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songea que l’endroit n’était sans doute pas idéal pour un blessé, mais se garda de tout commentaire afin de ne pas piquer au vif Serret.
    Têtes baissées, les trois hommes progressèrent vers la paillasse sur laquelle le tonnelier Alphonse Portechape était allongé. Le visage tourné vers le mur, il semblait endormi. Une laborieuse respiration soulevait son torse, comme si chaque inspiration requérait un effort. Un linge dissimulait ses parties génitales. Les emplâtres de boue qui recouvraient ses plaies avaient séché en craquelant, et le matelas de paille souillé de sang et d’humeurs était semé de copeaux de terre. Jean le Sage détailla les monstrueuses morsures qui avaient déchiqueté la hanche droite et la cuisse du tonnelier ainsi que le bas de son dos. Les chairs à vif suintaient et luisaient d’une sorte de pus verdâtre. En dépit de l’odeur entêtante des fleurs et herbes séchées, Jean perçut les premiers remugles de l’agonie.
    Lubin Serret appela :
    — Alphonse ? Portechape, on est tous réunis. Réveille-toi, Portechape !
    Le gros corps bougea avec peine. Alphonse gémit et tourna un visage de cendre vers eux. La douleur crispait ses mâchoires, une sueur profuse dévalait de son front et Jean sut qu’il n’en réchapperait pas. Il demanda d’une voix dont il espérait qu’elle ne trahirait pas sa certitude :
    — Mon bon Alphonse, tu t’es battu avec une magnifique vaillance.
    L’autre hocha la tête, claquant des dents, grelottant de fièvre. Pourtant, Jean le Sage lut dans son regard qu’il n’était pas peu fier de son exploit. L’âme humaine ne cessait de stupéfier le mercier. Quoi ? Portechape était connu comme un maître de l’escobarderie 3 , un tricheur, menteur, buveur, capable de vendre la dépouille de sa vieille mère pour gratter quelques deniers. Ses vilains tours ne se comptaient plus, même si ses tonneaux étaient les meilleurs et les plus robustes à cent lieues à la ronde. Il se gaussait assez, racontant dès qu’il avait un coup dans le nez à quel point il avait plumé le client. Et soudain, alors qu’il allait mourir, une seule chose comptait à ses yeux : quelques secondes de grandeur.
    — Pour sûr… J’l’ai blessé. Cette saloperie de l’enfer a hurlé de douleur ! J’l’ai blessé, j’vous dis ! Ça, j’me suis battu quand ben même l’herminette m’avait échappé des mains. Y en a beaucoup qui y seraient restés. Mais l’Portechape, c’est pas une cochevis 4  !
    — Peux-tu nous la décrire, Alphonse… cette bête ? C’est important, insista Jean. S’agit-il d’un animal… normal bien qu’énorme ou d’une… chose surnaturelle ?
    Une écume jaunâtre s’écoula d’entre les lèvres du blessé qui éructa :
    — Non ! C’est un démon… Deux démons… Vous pensez bien… Un ours même gigantesque, j’lui pulvérisais le col en deux coups d’herminette. J’aurais p’têt pris de vilaines griffures mais j’laissais sa dépouille à terre…
    Il toussa, s’étouffant dans sa salive, puis reprit d’une voix sifflante :
    — Non, ça y étaient énormes… Mais c’est même pas tant la taille… C’est la fureur, la cruauté dans le regard de çui qui m’a attaqué. Ses yeux noirs, presque bleutés, brillaient comme tous les feux de l’enfer… Jamais un animal s’en prendrait de telle façon à un homme armé. Pour tuer.
    — À quoi ressemblaient-ils, au juste, celui qui a foncé et l’autre ? le supplia presque Jean le Sage.
    — J’chais pas trop. Dans la furie du moment… J’défendais ma peau. Çui qui m’a attaqué était énorme pour sûr, avec une grosse tête carrée. Il puait de la gueule comme un démon. J’ai jamais vu des crocs aussi longs et luisants. L’autre était un peu plus loin. Les babines retroussées, prêt à fondre sur moi. Mais l’a paru changer de disposition et y s’est arrêté.
    — Marchaient-ils sur deux ou quatre pattes ? intervint Thierry Lafleur.
    — J’chais pas trop. Il courait sur quatre pattes… mais après, p’têt ben qu’il s’est relevé. Oui, j’crois ben, vu que sa gueule m’est arrivée sur le visage, affirma Portechape qui s’affaiblissait. J’me suis battu… Battu… J’ai bien cru que ma dernière heure était arrivée, mais j’m’en suis sorti.
    — Avec une belle bravoure, approuva Jean. Et qu’ont-ils fait ensuite ?
    — J’ai cru qu’y me poursuivaient, mais sans doute pas. Leur maître,

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