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Aesculapius

Aesculapius

Titel: Aesculapius Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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foire. Nous devrons saluer bas la femme à barbe ou l’homme à six doigts !
    Tous hochèrent la tête, partageant sa consternation et son agacement. L’apothicaire reprit :
    — Séverin Fournier ne nous rejoint pas ?
    — Non, pas. J’le trouve bien drôle en c’moment, avoua Nicol Paillet.
    — Comment cela ?
    — Ben… y nous évite, pour sûr. L’a toujours une bonne excuse pour être retenu ailleurs que nous autres. Un peu comme Thierry Lafleur. Mais bon, çui-là a toujours pété un peu plus haut que son cul, vot’ pardon.
    — Il a pas tort, renchérit maître Limace. Fournier évite l’Fringant Limaçon, même quand il a affaire en ville. Bah, ça leur passera !

    Maître Limace leur servit une autre tournée ; autant en profiter puisque Paillet payait. Géraud, son fils, qui n’avait pas prononcé un mot depuis le début, refusa d’un geste de main. Il est vrai qu’il avait toujours été taciturne depuis le départ de sa mère, dix ans plus tôt. Une mère qui ne s’était pas embarrassée de son unique rejeton pour suivre son bel amant, marchand ambulant, la gueuse !
    Nicol se tourna vers le jeune homme d’une vingtaine d’années. Tous s’étonnaient, en discrétion, qu’il ne soit toujours ni marié ni père. Peut-être fallait-il y voir une méfiance pour la douce gent, inspirée par la méconduite de sa propre mère. Il insista d’un ton affectueux :
    — Ben mon gars, bois un coup ! T’es pas une frêle pucelle, quand même. Allez, c’est vexant pour moi ton père, vu qu’j’offre. On pourrait croire qu’tu bois pas pour m’économiser le gobelet. J’passe pour un regardant !
    Géraud accepta à contrecœur.

    Au contraire, Mortabeuf, soulagé de ne pas avoir à aligner ses piécettes, vida son godet d’un trait et le tendit à l’aubergiste afin qu’il le remplisse à nouveau. Claquant de la langue, il déclara, d’un ton assez satisfait :
    — Enfin… y a quand même du bon, que j’dis. Messire Jean est maintenant ben convaincu qu’y faut r’quérir l’aide du baron Herbert. Ça aura pas été simple.
    — Pour sûr, approuva Nicol Paillet.
    Maître Limace jeta un regard discret à Géraud Paillet avec son visage long comme un jour sans pain et s’enquit :
    — T’es pas en accord, mon gars ?
    — Si. Si fait. Faut s’débarrasser de la… enfin, on peut pas continuer de la sorte !
    — Oh, j’suis ben certain qu’elle refera plus surface avec le baron Herbert dans les parages, approuva son père.
    Tous acquiescèrent.
    — Au fait, messire Lubin, quand r’tournez-vous à Chartres ? J’y ai affaire. Nous pourrions cheminer ensemble, proposa Agnan Mortabeuf en songeant qu’ils partageraient ainsi les frais de repas et d’auberge.
    — Merci mon bon, mais je dois décliner, à mon vif déplaisir. Je loue toujours chez Lafleur un cheval rapide afin de ne m’absenter que du nécessaire.

XXXI
    Saint-Ouen-en-Pail, août 1306, ce même jour
    A près l’âpre défense qu’elle avait prise de son mari, toute énergie semblait avoir déserté Annette Lemercier. Elle était restée assise sur l’escame de leur chambre, son psautier à la main, incapable de se concentrer sur une ligne. Des bribes de pensées tourbillonnaient dans son esprit sans qu’elle parvienne à s’accrocher à une seule. Elle s’en voulait, elle, la femme de tête, de permettre à des séismes extérieurs de ravager ainsi la capacité d’attention et d’application dont elle n’était pas peu fière. Elle se tançait même dans l’espoir de récupérer un peu de rigueur.
    Quoi ? La mort rôdait ? La belle affaire ! Elle rôdait en tous lieux et en tous temps. Allait-on passer sa vie à craindre de mourir ? Certes pas. Quoi ? L’effroi avait gagné chacun ? Mais elle n’était pas chacun. De surcroît, la peur n’avait jamais fait reculer le danger, bien au contraire. Allait-elle demeurer dans sa chambre telle une caponne 1 donzelle, sursautant à chaque bruissement d’étoffe, au moindre pas dans l’escalier ? Que nenni ! Elle se releva d’un mouvement nerveux. Faire quelque chose ! Décider, refuser de se transformer en pantin du sort. Elle rangea le psautier richement enluminé, cadeau de son époux, dans le cabinet 2 de la chambre. Elle ajusta son touret à barbette 3 de cendal safran et sortit.

    Répondant, sans même y penser, d’un sourire aux saluts des gens qu’elle croisait, elle avança d’un pas ferme vers la rue des

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