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Aesculapius

Aesculapius

Titel: Aesculapius Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Chalands, dans laquelle se succédaient des échoppes, des étaux 4 . Au boulanger 5 qui voyait d’un mauvais œil le petit marchand ambulant d’oublies et de gaufres au prétexte qu’il lui faisait déloyale concurrence, vendant moins cher, succédait l’étal du boucher 6 tenu par un valet qui s’activait tout le jour afin de chasser les mouches qui piquaient avec voracité vers les morceaux proposés. L’éventaire du poissonnier était l’objet d’une belle affluence, toutes les commères s’y pourvoyant pour agrémenter les jours de maigre 7 . Au brochet, à la carpe, au barbeau et à l’anguille, se mêlaient le hareng, la seiche, la baleine, la morue, séchés ou saurs. Le maquereau, la sardine et la truite de mer et même le saumon frais, enveloppés dans des cocons d’herbe ou dans des linges humides afin de les rafraîchir et de les préserver des insectes attisaient les convoitises, bien que réservés aux plus nantis. Le poissonnier jurait ses grands dieux aux servantes des belles maisons qu’il observait scrupuleusement la loi pour préserver la qualité de ces mets dispendieux : il ne les conservait que deux jours 8 . Le marchand de rubans, de passementeries, de fil et d’aiguilles suscitait une vive curiosité de la part des dames qui s’informaient de la mode parisienne en matière de couleurs ou de longueur de frange ou encore de motifs de broderies. Certes, les informations qu’il fournissait variaient en fonction de ce qu’il pouvait offrir ce jour-là. Plus loin, des femmes de tous âges s’agglutinaient à la devanture de l’épicier qui proposait moult parfums, cosmétiques et eaux de visage, de corps, de cheveux ou de bouche 9 . Mignet, l’épicier, après une guerre sans merci contre Lubin Serret l’apothicaire, avait emporté le juteux marché arguant qu’il tenait boutique en ville depuis bien plus longtemps. Les deux hommes ne s’adressaient plus la parole et ne se saluaient pas non plus lorsqu’ils se croisaient. Quant à Jean Lemercier qui, par profession et ancienneté, aurait pu revendiquer de devenir le seul revendeur de ces produits, il avait fait preuve de belle sagesse en ne se manifestant pas, pour la paix de la bourgade.
    Parfois des petits vendeurs se contentaient d’étaler une large touaille à même le sol afin d’y proposer leurs denrées : fromages de chèvre, pâtes de fruits au miel et croûtes dorées, parfois quelques légumes et fruits. Annette progressa, curieuse, ne venant que fort peu en cet endroit. Une dame de sa qualité envoyait les serviteurs au ravitaillement, ne les accompagnant les jours de grand marché que pour s’offrir des rubans de cheveux, quelques aunes* de fin tissu, voire des lotions pour avoir jolie peau ou bonne voix 10 .
    Enfin, elle aperçut celle qu’elle cherchait, engagée dans ce qui semblait une vive discussion avec un saucissier 11  : Clotilde. Annette se rapprocha et feignit l’agréable surprise.
    — Quel bonheur de vous voir, ma bonne Clotilde ! D’autant que vous avez bonne figure.
    — Madame ! Le bonheur est partagé. Que faites-vous ici, avec mon respect ?
    Prenant l’air sombre, Annette déclara :
    — C’est que… cette bourgade est devenue sinistre. On n’y croise presque plus personne, hormis dans deux ou trois rues marchandes. Et encore, elles se vident dès la fermeture des éventaires. Si les raisons tombent sous le sens, j’ai ressenti le besoin d’un peu d’animation.
    Sombre à son tour, Clotilde renchérit du ton d’entente que lui permettait son ancienne et cordiale cohabitation avec Annette, pour laquelle elle éprouvait toujours une franche affection :
    — Il est vrai. Quelle épouvante ! Je m’inquiète bien souvent de vous, madame.
    — C’est généreux à vous. Nous vous regrettons, ma bonne, même si je comprends bien les raisons de votre changement.
    Le service des Lemercier n’était pas assez important pour permettre à la servante âgée d’éviter les tâches que sa vieillerie avait rendues pénibles pour ses jambes et son dos. Aussi, la mort dans l’âme, avait-elle accepté, après moult tergiversations, de rejoindre la mesnie de la baronne Béatrice.
    — Ah l’âge, madame, l’âge ! Quelle injure, quelle claque au bec de notre arrogance ! Quelle sournoiserie aussi, car on ne s’aperçoit de son avancée que lorsqu’il est déjà bien là.
    — Chère Clotilde, j’aurais grand plaisir à bavarder avec vous devant un gobelet d’hypocras, si

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