Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Aesculapius

Aesculapius

Titel: Aesculapius Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
filtrer un peu de la lueur des torches qui éclairaient l’intérieur de l’établissement. Sur ses gardes, il contourna l’auberge. Derrière se dressait une sorte de cabanon que maître Limace utilisait en remise et où il permettait à Gaston de s’abriter en échange de petits travaux.
    La timide lumière qu’il aperçut entre les rondins mal joints le surprit. Il aurait parié que les gorgeons avaient eu raison du simplet. Méfiant, Druon s’approcha de la petite lucarne occultée d’une peau huilée qu’il poussa à peine. Derrière les sacs de farine, les caisses de vin, les jambons suspendus à la poutre, un homme dépenaillé, d’impressionnante carrure, demeurait assis sur un grabat crasseux, l’air hagard, la bouche ouverte, le regard fixe. Une esconce était posée devant lui, à même le sol. Un vague souvenir traversa l’esprit de Druon, qu’il écarta. Plus tard. Le jeune mire hésita, craignant que l’autre ne se mette à hurler s’il pénétrait avec brutalité dans la cabane. Se décidant enfin, il l’appela à voix basse :
    — Gaston ? Gaston… Des amis m’envoient avec une bonne boutille à partager.
    L’autre ne bougea pas d’un pouce, semblant ne rien avoir entendu. Une intuition saisit Druon :
    — Gaston, c’est l’ange de Séraphine qui souhaite te parler par ma voix.
    Le simple fut sur pieds d’un bond et se précipita. Druon perçut des raclements, des grincements contre le sol. Gaston semblait avoir barricadé l’entrée de la cahute. Une vague de pitié envahit le jeune mire. L’homme, qui le dépassait d’une bonne tête et aurait pu lui rompre le col d’une main, possédait un regard d’enfant. D’enfant affolé. Il avait pleuré, les larmes traçant des sillons plus clairs dans la crasse épaisse de ses joues.
    Il tira Druon si brusquement pas l’agrafe de son mantel que le jeune mire s’affala sur son torse aussi large que celui d’un taureau. Des remugles suffocants de sueur, de saleté et d’alcool lui fouettèrent le visage. Gaston referma le battant et repoussa les caisses qu’il venait de tirer, mettant un pot de terre en équilibre au coin de l’une d’entre elle. Druon se fit la réflexion qu’il n’était pas dépourvu d’intelligence. Ainsi, au cas où un intrus pousserait la porte de planches, le pot tomberait avec fracas et l’alerterait.
    Quel âge pouvait-il avoir ? Druon eût été incapable de le préciser. Vingt ans, trente, cinquante ? L’âpreté de la misère dans laquelle il vivait avait laissé ses marques, burinant son front, clairsemant ses cheveux en mèches grisâtres collées sur son crâne. Seul son regard d’un tendre noisette paraissait figé dans le temps, longtemps auparavant, lorsque la vie glissait encore facile parce qu’il n’était qu’un enfançon, pas encore un crétin et le souffre-douleur de tous.
    Étreignant Druon comme s’il s’agissait d’un frère aimé, Gaston bafouilla d’une voix lourde de salive, un sourire étirant une bouche édentée dans laquelle restaient seulement quelques chicots cariés :
    — Voui, voui… Bonne S’raphine, bonne !
    Il plaqua son énorme main sur sa gorge et sortit la langue en gargouillant afin de mimer un pendu.
    — Oui. Elle a rejoint Dieu en grande paix et c’est maintenant un ange. (Désignant sa bougette, peu fier de son mensonge, Druon ajouta :) Elle a laissé une bonne boutille pour que nous la partagions.
    Le simplet fonça récupérer un objet glissé derrière sa paillasse : son godet.
    Druon versa le vin et ils partagèrent le premier verre. Gaston marqua son appréciation d’un petit hochement de tête satisfait et d’un claquement de langue.
    — L’est v’nue, déclara-t-il.
    Druon comprit qu’il faisait référence à Séraphine.
    — Quand cela ?
    — La nuit… Oh, y a… la nuit. ’Vec une bo’tille.
    Il tendit son godet que le jeune mire remplit et le vida d’un trait.
    — C’te rapport à l’foutue bête. Démone !
    Il se signa à trois reprises, jetant des regards inquiets autour de lui.
    — Elle ne viendra pas ce soir, l’assura Druon.
    — S’raphine, hein ?
    — Oui, Séraphine nous protège.
    D’un ton de conspirateur, Gaston le Simplet ajouta :
    — L’a vue !
    — Elle a vu la bête.
    Gaston acquiesça d’un signe de tête, puis se désignant du pouce ajouta :
    — L’a vue !
    — Et tu l’as vue aussi. À la pleine lune, alors que tu cueillais des simples dans le sous-bois non loin.

Weitere Kostenlose Bücher