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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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t’assombrissait hier soir.
    — Ce n’était qu’une pensée qui passe. Une pensée de femme.
    — Dépêche-toi. Ne me retarde pas devant Dieu.
    Il n’y avait plus à tergiverser.
    — La grimace que tu as surprise n’était qu’un peu de la mauvaise humeur qui m’a saisie quand j’ai entendu les moqueries après ton prêche. Cela m’attriste pour Talha ibn Ubayd Allah. Il est un de ceux qui m’aiment depuis toujours. Ils ne sont pas nombreux. Et toi, il te vénère autant qu’Allah, si ce n’est pas un blasphème de le dire. Je connais son orgueil. La honte le ronge de ne pouvoir faire ses preuves, et les sarcasmes le rendront fou.
    Mon époux se contenta de me lancer un regard aussi pointu qu’un fer de flèches. Tandis que ses lèvres s’étiraient doucement dans un sourire. Je lui tendis un linge pour qu’il se sèche.
    Quand il franchit le seuil menant à la masdjid, où son Rabb l’attendait, je ne savais si je venais de commettre une faute ou un bienfait.
    Je sortis à mon tour. Barrayara patientait dans la cour avec les autres femmes de la maison pour la prière de l’aube.
    De cette conversation, en vérité, il ne fut plus jamais question. Mais ses conséquences, je ne pus les ignorer.
     
    Plus d’une lune s’écoula. Une chaleur accablante s’abattit sur la ville. Nous, les femmes, nous nous levions dès l’aube pour aller puiser l’eau au wadi avant que le soleil ne nous brûle.
    Les enfants nés en cette période ne vivaient pas longtemps. Souvent, il fallait creuser la poussière pour les ensevelir. Chaque fois, Barrayara me jetait un coup d’oeil. Je savais ce qu’il me disait : « Cela ne risque pas de t’arriver. Sois-en heureuse. »
    Je lui tournais le dos. Je ne voulais pas entendre ces mots, même si elle ne les prononçait pas. Je n’avais pas perdu espoir. Follement, pendant quelques jours j’oubliais, puis cette pensée me frappait : « Encore une lune sans que me soit venu le sang des femmes !» « Et encore une autre !» Je priais alors de toutes mes forces le Seigneur tout-puissant. Ne pouvait-il revenir sur Sa décision ? Faire de moi une épouse comme les autres qui tendrait son fils à son bien-aimé ?
    Quelle impudence de croire qu’Allah se souciait de mes cris ! Barrayara avait sans doute raison. N’était-ce pas un don de Dieu que d’échapper au sort de ces femmes qui enfantaient en hurlant dans la brûlure du jour pour se relever et enfouir la nuit sous les palmes séchées le fruit de leurs entrailles ?
    Puis l’été s’acheva et tout se déroula très vite.

2.
    J’étais aux travaux de cuisine avec les autres femmes quand nous vîmes Abu Hamza se précipiter sous le tamaris. Muhammad s’y tenait avec mon père et Ali, l’époux de Fatima. Abu Hamza parlait très fort. Nous comprîmes vite qu’il apportait une bonne nouvelle. Mon père se frappa la poitrine à petits coups du plat de la main. C’était ainsi qu’il remerciait Allah de Ses bontés. L’énervement d’Abu Hamza était de la joie.
    Finalement, mon époux se leva et l’enlaça.
    Peu après, des gamins furent expédiés dans Madina. Bientôt, les plus anciens compagnons de Muhammad le rejoignirent sous le tamaris.
    C’était le moment du repas et, malgré notre envie d’apprendre de quoi il retournait, nous avions bien trop de travail pour nourrir tous ces ventres et ces bouches. Une femme dit :
    — Préparons-nous. Ces palabres dureront jusqu’à la nuit. Ils seront de nouveau affamés après avoir prié.
    Elle se trompait.
    Bilâl chanta l’heure de la prière de l’après-midi et nous déposâmes dans la cour les cruches des ablutions et les linges propres. Lorsqu’ils ressortirent de la mosquée derrière mon époux, chacun des compagnons avait l’air pressé. Ils semblaient tous avoir une tâche urgente à accomplir.
    Nous voulions connaître la bonne nouvelle apportée par Abu Hamza. Par bonheur, je n’eus pas à attendre longtemps :
    Barrayara la connaissait en détail. Contrairement à son habitude, elle n’en profita pas pour se mettre en valeur devant les servantes et les épouses. Au contraire, elle attendit que nous nous retrouvions seules à ramasser du linge séché sur le toit de nos chambres. Les ombres étaient déjà longues, la chaleur du jour s’apaisait. Barrayara m’attrapa le poignet et me fit accroupir entre les couffins. Nous étions invisibles depuis la cour.
    — Ce que je vais te dire, tu le gardes dans tes oreilles,

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