Aïcha
mangeait la poussière.
Après quoi, sept jeunes Croyants, cette fois-ci membres de la deuxième tribu médinoise, les Khazraj, vinrent à leur tour sous le tamaris. Il en allait toujours ainsi, chez nos alliés : quand les uns accomplissaient une bonne action pour Allah et Son Prophète, les autres ne voulaient pas être en reste.
— Ô Messager de Dieu ! s’exclamèrent-ils. Sallàm ibn Ab’ al Hoqaïq a promis son soutien aux Banu Nadir. Tu connais la loi. Qu’il le veuille ou non, ibn Ab’ al Hoqaïq va marcher contre toi. Permets-nous de le convaincre de rester dans ses fortins de Khaybar.
— Si Dieu le veut ! Mais quoi qu’il vous en coûte, n’effleurez pas une femme ni un enfant des Banu Khaybar, ou Allah vous le comptera pour faute.
Deux nuits plus tard, comme tu le sais déjà, lecteur, les épaules d’ibn Ab’ al Hoqaïq ne portaient plus sa tête. L’affaire n’avait pas été facile. Des sept jeunes Croyants, deux s’étaient fait fracasser le crâne par la garde des Banu Khaybar.
— Ceux-là sont encore vivants et presque bien portants, nous révéla Talha en baissant la voix.
Riant des yeux ronds de Barrayara, il ajouta que cela était l’effet de la magie de l’Envoyé.
— Je ne l’ai pas vu de mes yeux, mais Zayd m’assure que c’est la vérité. Dès qu’il a appris la blessure des jeunes gens, Muhammad s’est rendu à leur côté. Ils étaient presque mourants à son arrivée. Il a posé une main sur leur poitrine et a récité les paroles d’Allah. Sa bouche se tenait tout près de leurs blessures. Les blessés ont rouvert les yeux avant même que l’Envoyé ne s’écarte de leurs couches.
Barrayara, qui ne savait pas tenir sa langue, ne tarda pas à faire courir cette histoire dans toutes les maisons de Madina.
Un soir, dans le mois qui suivit, mon époux découvrit de minces coupures sur mes paumes. L’après-midi, je m’étais blessée sans aucune gravité en tressant des feuilles d’alfalfa. Muhammad caressa mes plaies de la pointe de ses doigts puis, avec douceur, il souffla dessus. L’amusement scintillait dans ses yeux quand il releva le visage.
— On dit qu’un souffle de moi suffit à refermer une plaie. Voyons si cela est vrai sur la peau de lait de ma bien-aimée.
Nous rîmes ensemble. Le bonheur était sur nous. Ce n’est qu’au matin, après la prière, quand je lui servis ses galettes, ses dattes fraîches et son gobelet de lait aigre qu’il m’annonça la nouvelle :
— Omar a une fille veuve. Il cherche à la remarier. Elle s’appelle Hafsa. Tu la connais. Elle n’a que quatre ou cinq ans de plus que toi. On dit qu’elle a mauvais caractère. Mais il serait bon que j’en fasse mon épouse. Cela ne doit t’inquiéter en rien. Il n’y en aura jamais de plus chère à mon coeur qu’Aïcha. Dieu m’entend quand je parle.
La détresse
1.
Il s’ensuivit quelques échanges que j’aimerais, ô lecteur, relater dans ce témoignage.
Quelques jours après l’aveu de Muhammad, ma mère vint me voir. Selon son habitude, elle m’annonça que, tant que rien n’était certain, elle avait préféré garder la bouche close. Aussitôt dit, elle oublia sa prudence et m’informa :
— Depuis la bataille de Badr et la mort de son époux, la fille d’Omar ibn al Khattâb se lamente : « Il me faut un époux, il me faut un époux !»
D’un ton narquois elle commenta :
— Cette fille est incapable de respirer sans un homme dans sa couche. Mais quand elle est hors de sa couche, son caractère éclate au grand jour. On raconte qu’Omar est allé voir ‘Othmân ibn Affân et qu’il lui a demandé s’il voulait de sa fille Hafsa pour épouse. « Je n’ai aimé que Ruqalya, la fille de l’Envoyé, lui a répondu ‘Othmân. Allah me l’a reprise. Aujourd’hui, je vis avec sa soeur Omm Kulthum. Et je ne veux pas d’autre femme. » Alors, imagine-toi, Omar est allé voir mon époux, ton père Abu Bakr, et lui a offert sa fille pour épouse. « Il en est un qui attend ta proposition et tu ne la lui fais pas, lui a répondu ton père. Où as-tu les yeux et la cervelle ?» C’est ainsi qu’Omar est allé voir l’Envoyé. Il lui a demandé : « Ô Apôtre de Dieu, accepterais-tu ma fille Hafsa pour épouse ?»
L’Envoyé, qui avait annoncé à Omar sa réponse pour le surlendemain, a accepté sa proposition. Ton père m’a confié que le Messager souhaitait de cette manière tenir Omar plus près
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