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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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« Le Seigneur Clément et Miséricordieux nous a donné beaucoup ces temps derniers. Il nous observe et voit ceux qui oublient le jour du jugement alors que rien encore n’est accompli. Prenez garde. Il saura nous le rappeler. »
    Mon époux approuva. Au moins était-il heureux que je n’aie pas oublié ses mots. Il dit :
    — C’est le moment de l’épreuve. Dieu, dans Sa clémence, veut voir ce que nous faisons du bien qu’il nous accorde. Il veut tester le courage des Croyants cousus d’or. Deux épreuves nous attendent. L’une ici, dans la cour de la maison d’Allah. L’autre devant les trois mille païens livrés à tous les démons.
    Et c’est ce que je vis.

2.
    La guerre commença par une dispute sous le tamaris de notre cour.
    Omar préparait le combat. Les guerriers d’Allah ne se dénombraient que par centaines. Mon époux réunit tous ceux dont la parole comptait pour décider comment mener la guerre qui approchait. ‘Abdallâh ibn Obbayy, le chef des Ansars, était là avec des seigneurs aws et khazraj. Il parla le premier et déclara que le combat hors de la ville était impossible :
    — Les Mekkois sont trop nombreux. La bataille serait perdue d’avance, affirma-t-il. Il nous faut demeurer entre nos murs. Nos fortins sont imprenables. De mémoire d’homme, ceux qui s’y sont attaqués ne sont jamais retournés chez eux vainqueurs. C’est ainsi.
    Fatima était présente au côté de son père. Depuis deux lunes, il lui suffisait de traverser la cour pour être chez nous. À peine ibn Obbayy se tut-il qu’elle répliqua :
    — Tu as la mémoire courte, ‘Abdallâh ibn Obbayy ! Les fortins de Madina n’assurent rien. Le Messager d’Allah s’est présenté devant les murs des Banu Qaynuqâ. Où sont les Banu Qaynuqâ aujourd’hui ? Où sont leurs fortins ?
    Ibn Obbayy blêmit sous l’insulte. Il regarda mon époux, qui lui rendit son regard sans un mot. Fatima dit encore :
    — Il n’est pas dans l’usage des guerriers d’Allah de s’enfuir ou de se cacher dans des terriers en attendant qu’on les déloge ! Dieu ne nous veut pas ressemblant à des rats du désert.
    Aussitôt, Ali applaudit à grands cris. Zayd et tous les jeunes combattants présents se joignirent à lui. Mon père se taisait. Mon époux se taisait lui aussi.
    Omar se leva alors de son tabouret. Depuis des années, la prétention de Fatima à se comporter en guerrière l’exaspérait. Cette lois, il tendit les mains vers elle :
    — La fille de l’Envoyé parle comme j’aurais parlé, fit-il avec force. Nous ne resterons pas tapis derrière nos murs quand l’ennemi est à notre porte. Ce serait méprisable.
    Le chef des Ansars bondit de colère :
    — Inconscients ! cria-t-il.
    Les seigneurs aws et khazraj étaient avec lui. La dispute dura jusqu’au soir sans que jamais mon époux n’ouvre la bouche. Il les observait tandis qu’ils se lançaient des mots blessants comme des flèches. Songeait-il à Allah ?
    Et Allah se manifesta.
    Talha entra dans la cour, à bout de souffle :
    — Abu Sofyan et ses trois mille guerriers s’installent sur la pente de la montagne Uhud ! annonça-t-il.
    Tous se levèrent d’un bond : on savait qu’Uhud était à une grosse demi-journée de marche de Madina.
    À son tour mon époux se leva.
    — Allons prier, dit-il simplement. À l’aube, nous enfilerons nos cuirasses. Nous ne laisserons pas les idolâtres et les mécréants s’avancer plus près de Madina.
    Tout cela, lecteur, sache que je l’ai vu et entendu personnellement. Je me tenais sur le seuil de ma chambre avec Barrayara. Les femmes écoutaient dans les cuisines. La rumeur de la dispute avait couru dans l’oasis. Puis celle de l’approche des Mekkois. Beaucoup se précipitaient vers notre maison.
    Quand mon époux se dirigea vers la mosquée, suivi de tous les autres, des femmes commencèrent à geindre.
    Allah avait-il brisé notre insouciance ?
    Ma prière du soir fut plus courte que celle de Muhammad, j’étais pressée de lustrer et d’assouplir une dernière fois sa cuirasse, de graisser sa cotte de mailles, son baudrier et ses fourreaux. Je déclinai l’aide d’Hafsa, ce dont elle parut soulagée. Le murmure de la prière des guerriers bourdonnait dans ma chambre, me pressant les tempes et la poitrine.
    Mon époux poussa la porte bien après la moitié de la nuit. Il vérifia mon travail et se montra satisfait. Il ne fut pas question de paroles. Il ne dormit pas ou

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