Aïcha
paumes de mon époux :
— Ô Apôtre d’Allah, cela te revient, proclamèrent-ils. Nous te l’offrons en remerciement de la confiance que tu as placée en nous, qui sommes encore si novices dans l’art de la guerre.
Muhammad admira le présent. Avec sérieux, il remarqua :
— Ce bijou conviendra mieux à la tête de mon épouse Aïcha qu’à la mienne.
Un grand rire parcourut les compagnons. Le soir, tous voulurent que je porte cette coiffe pour servir le repas de mon époux.
Ce butin s’ajouta aux précédents. Et, comme les précédents, il augmenta tout autant le bien-être des Croyants d’Allah que la jalousie des hypocrites et des mécréants. Ceux-là ne pouvaient plus douter de la puissance du Seigneur des mondes, ni de la faveur qu’il accordait à ceux qui marchaient dans Sa loi. Ce qui eut pour effet d’attirer nombre de nouvelles conversions.
Le premier, Forât ibn Hayyan, le guide de la caravane, vint se jeter à genoux devant Muhammad :
— Depuis mon arrivée à Madina, dit-il, je m’acharne à apprendre les versets d’Allah. J’ai senti sur ma nuque le souffle du Dieu tout-puissant des Croyants. Je ne veux pas retourner parmi les miens avant que l’Envoyé d’Allah ne m’accueille dans sa prière.
Je ne sais pourquoi, cette conversion fit grand bruit. Les jours suivants, des dizaines d’hommes et de femmes se déplacèrent jusqu’à Madina, parfois de loin. Ils espéraient eux aussi pouvoir entrer dans la mosquée afin d’écouter la parole d’Allah et de Son Prophète.
L’orgueil et l’assurance se répandirent dans Madina. Les maisons s’embellirent encore. Les murs s’épaissirent. La nourriture gonfla comme jamais les couffins des cuisines. Des fortins des Juifs ne provenait plus la moindre médisance. De la synagogue ne sortaient plus les soupirs méprisants des rabbis.
Comme aux autres, l’insouciance me tendit la main. J’oubliai presque tout à fait ce qui m’avait tant tourmentée. En vérité, pendant quelques lunes, il sembla que rien ne pouvait plus m’inquiéter. Je pris même avec légèreté le nouveau caprice de Fatima.
Un soir, Muhammad me dit :
— Ma fille me fait une demande. Elle souhaite habiter tout contre notre maison. C’est devenu possible. Mais je veux connaître ton avis.
La demande n’était pas nouvelle. Fatima s’était toujours plainte du fait que sa demeure était trop loin de celle de son père. Mon époux n’avait cessé de repousser ses plaintes. Ni Ali ni lui-même n’étaient assez riches pour acheter un terrain supplémentaire aux propriétaires khazraj. Sans compter le coût de la construction. En outre, depuis les premiers temps de l’hégire, depuis notre arrivée à Madina, alors appelée Yatrib, quantité de bâtiments avaient été érigés tout autour de chez nous : Croyants venus de Mekka ou nouveaux fidèles, tous voulaient vivre au plus près du Messager d’Allah.
Un voisin se montra complaisant. Il avait eu connaissance du désir de Fatima par des bavardages de servantes. Sa demeure était petite et il venait de prendre une troisième épouse. Comme celle de Fatima était plus grande, il proposa un échange. L’occasion était bonne. Sa maison était à une cinquantaine de pas de la nôtre. Quelques travaux de peu d’importance permettraient de les réunir. Les temps d’aujourd’hui n’étaient plus ceux d’hier. Les artisans ne manquaient pas pour les accomplir, ni les dirhams pour les payer.
— Allah ne s’offusquera pas de voir Son Messager vivre dans une vaste bâtisse, conclut mon époux. Notre maison deviendrait un fortin solide, à l’égal de celui d’‘Abdallâh ibn Obbayy et des riches Juifs de Madina. Mais cette décision, je ne veux pas la prendre sans consulter mon épouse bien-aimée.
En ce jour, si éloigné de ces instants, où je tiens le calame, je peux avouer que le rire me saisit en entendant les paroles de Muhammad. Mon opinion pouvait-elle être plus sévère que celle de Dieu ? Je ne sus retenir la question qui me monta aux lèvres :
— Que penserait Fatima si elle t’entendait réclamer mon avis sur un pareil sujet ?
Ce que mon époux avait en tête, je le voyais bien.
Il n’ignorait rien de la jalousie de Fatima envers moi. Que Fatima ait intrigué auprès de notre voisin pour cet échange de maisons, il le devinait autant que moi. C’était sa manière à elle de se laver de l’humiliation de n’avoir pu chevaucher au côté de Zayd
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