Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
Vom Netzwerk:
hommes, ce n’est pas ce qui m’amuse. On peut devenir amies, crois-moi.

2.
    Bien sûr, lecteur, j’ai été jalouse d’Hafsa.
    Bien sûr, mon ventre s’est tordu quand ont commencé mes nuits solitaires.
    Bien sûr, les démons de l’imagination m’ont fait voir ce que je n’aurais pas dû voir.
    Bien sûr, j’ai maudit et mordu le coussin vide qui sentait le parfum de mon époux absent.
    Bien sûr, j’ai scruté son visage pour y traquer la joie d’un plaisir inconnu alors que j’espérais n’y déceler que déception.
    Bien sûr, j’ai guetté les expressions de mon époux pour savoir si son plaisir à me retrouver était sincère ou masquait son ennui.
    Bien sûr, je n’ai pas su cacher ma peine, ma colère et mes doutes.
     
    Et par la faute de toutes ces sottises, je n’ai pas vu ce qu’il me fallait voir.
    Je n’ai pas su tenir mon rôle.
    Que le Tout-Puissant Clément et Miséricordieux me juge !
    Qu’Il m’accable au jour du jugement !
    Par bonheur ce sera bientôt.
    Mon époux m’avait prévenue : « Rien encore n’est accompli. Allah saura nous le rappeler. Ne l’oublie pas. Ne Le déçois pas. »
    Je l’ai oublié. Je L’ai déçu.
    L’ombre dans le regard de mon époux, je l’ai vue. L’inquiétude sur sa bouche et dans sa voix, je l’ai vue et entendue.
    Mais je pensais à Hafsa.
    Je pensais que deux épouses ne lui allaient pas si bien que ça.
    Je pensais qu’il était sombre parce qu’il se souciait de mon chagrin.
     
    Par la nuit enveloppante,
    Par la pleine lune,
    Vous monterez étape par étape [13] …
     
    Cela dura des mois. Un nouveau printemps approcha. Je me lassai de cette peine inutile. Mes yeux et mes oreilles s’ouvrirent et me laissèrent voir le vrai. Il était bien tard.

Jours funestes

1.
    Un jour que je revenais du wadi avec Barrayara, Hafsa et les servantes, les paniers de nos mules chargés de linge fraîchement lavé, Talha apparut. À ma surprise, il montait un méhari de guerre et portait une cotte de mailles. Il était accompagné d’une demi-douzaine d’hommes en armes. Il me reconnut parmi les femmes et arrêta sa troupe pour nous saluer. Barrayara lui demanda qui il allait combattre. Il répondit sans rire qu’il accomplissait son devoir. Barrayara s’étonna, curieuse comme toujours :
    — Quel devoir ?
    L’embarras de Talha était si évident que je le saluai d’un geste et poussai sans attendre ma mule sur le chemin. La curiosité de Barrayara était inutile : Talha ne trahirait pas le secret qu’il portait. Pas plus que mon père Abu Bakr ne s’était confié à elle.
    Par chance, mon époux devait passer la nuit dans ma couche.
    Il poussa la porte de ma chambre, l’air soucieux. D’abord, je le servis comme je le faisais toujours, avec attention et tendresse. Puis je lui parlai de ma rencontre avec Talha.
    Il m’observa. Il vit que je n’avais aucune pensée d’Hafsa en tête et que mon inquiétude était sincère. Alors j’appris tout.
    Depuis l’automne, Abu Sofyan levait en grand secret une armée formidable. La razzia de sa précieuse caravane et les têtes tombées à Madina lui avaient enseigné une vérité : il ne pourrait pas affronter le Messager d’Allah sans réunir la plus puissante des armées.
    — Et c’est ce qu’il a fait, dit mon époux. Abu Sofyan et les Mekkois ont rassemblé ce que le Hedjaz et les montagnes d’Assir comptent d’idolâtres et de mécréants. Tous ceux qui ont perdu contre nous un bien, un frère, un père, un oncle, un fils se sont unis. Ils sont trois mille, au moins. Des chevaux par centaines. Des cuirasses par centaines. Des arcs et des épées par milliers. Ils ont quitté Mekka et marchent sur Madina. Dans dix jours, vingt tout au plus, ils seront ici. Tu as vu Talha. Avec d’autres, il court les routes pour s’informer de leur approche.
    J’étais si abasourdie que pas un mot ne me vint. Je me mis à trembler. Mon époux s’en aperçut. Avec douceur, il m’enveloppa de ses bras et me caressa.
    — J’ai ordonné à tous, à ton père, à Talha, à tous : pas un mot ! Pas un mot trop tôt, ou Madina tremblera de peur. On ne va pas à la guerre en claquant des dents. Mais demain ou après-demain, la ville entière sera au courant.
    Une pensée me vint enfin. Je murmurai :
    — As-tu demandé à Djibril… ?
    Muhammad sourit.
    — Il ne viendra pas. Il est inutile que je me mette sous mon manteau. Il ne viendra pas.
    Je compris :
    — Tu as dit :

Weitere Kostenlose Bücher