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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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l’impression de crier tant l’attente de ce qu’il va advenir me déchire de la tête aux pieds.
    Sur le côté, les femmes des Mekkois agitent des fanions. Elles sont des centaines. Elles dansent, hurlent. Si fort que je les entends de là où je me trouve.
    Puis, le combat ayant commencé, je n’entends plus rien que le bruit des fers.
     
    Le sifflement des flèches. Le crissement des lames. Le chuintement des lances.
    Les bruits de ceux qui meurent et de ceux qui tuent.
    Je repère la cuirasse de mon époux parmi les milliers de cuirasses. Je ne veux plus la quitter des yeux.
    Cela dure longtemps. Comment comprendre ? Partout les lames montent et frappent. Les flèches tuent, les montures tombent.
    Le rouge s’étend sur tout. Sur la terre, sur les arbres, sur les hommes, sur les bêtes : le sang.
     
    Plus tard, il a été dit que, au début, l’Envoyé a repoussé les Mekkois. La paume d’Allah était sur lui. Les païens l’ont senti. Ils se souvenaient de la bataille de Badr. Ils ont commencé à se replier. Les guerriers que l’Envoyé avait placés pour protéger ses arrières ont cru à la victoire. Le butin était proche. Ils ne pensaient qu’à cela. Alors ils ont abandonné leur poste. Malheur à nous ! C’en était fini de notre victoire.
     
    L’image que j’ai encore devant les yeux est celle des hommes couchés dans le sang. Où que je regarde, je ne vois que des morts, des blessés. Angoisse : je ne vois plus mon époux.
    Au-dessus de cette scène morbide, s’élèvent soudain les voix des femmes idolâtres. Elles chantent :
    — Nous sommes les filles du matin
    Si vous avancez, nous vous baiserons,
    Nos cheveux sont parfumés de musc
    Et les perles coulent entre nos seins !
    Combattez, combattez,
    Nous étendrons les coussins
    Et nous serons les coussins.
    Reculez, reculez
    Et vous serez seuls.
    Reculez et on vous crachera dessus…
     
    Je vois les étendards de Mekka. Le vert de celui de mon époux a disparu.
    Un cri jaillit de toutes parts :
    — L’Envoyé est mort, l’Envoyé est mort !
    Je cours dans la pente jusqu’au champ de bataille. Je marche sur des cadavres. Les cris des femmes de Mekka me percent la poitrine. J’aperçois Hind bint Otba, l’épouse d’Abu Sofyan. Elle a un couteau à la main. Elle tranche les oreilles, les nez, les sexes des blessés et les éparpille autour d’elle en riant. Soudain je la vois se pencher sur un corps. Je reconnais Abu Hamza, l’oncle de mon époux bien-aimé.
    — Abu Hamza ! Abu Hamza, tu es mort ! crie-t-elle.
    Je la vois ouvrir sa cuirasse, lui plonger le couteau dans le ventre, lui couper le foie.
    Ô Seigneur tout-puissant ! Je la vois porter le foie d’Abu Hamza à ses dents ! C’est alors qu’elle m’aperçoit. Elle secoue la tête comme une hyène. Elle rit. Le foie d’Abu Hamza lui frappe les joues, le sang ruisselle sur son cou et nappe sa poitrine.
     
    Je m’enfuis devant cette horreur. Je cours parmi les corps. Le sang monte de partout comme la crue d’un oued au printemps. Omar se dresse devant moi :
    — L’Envoyé de Dieu est vivant !
    C’est vrai. Omar soutient mon époux, sa tête sans casque couverte de sang.
    Ici et là, quelques hommes continuent le combat. Parmi eux, Fatima toute recouverte de sang. Aucun guerrier ne peut savoir qu’elle est une femme. Ali hurle. Talha tombe. Il a fait un bouclier de son corps pour protéger mon époux. Il n’est plus que blessures.
     
    Les événements qui suivent n’ont aucune explication : les Mekkois d’Abu Sofyan se mirent soudain à reculer, à déserter le champ des morts. Je les vis s’éparpiller sur le flanc de la montagne.
    Omar leur cria :
    — Muhammad est vivant. Il vous voit ! Il vous entend !
    Du haut de la pente, Abu Sofyan répondit :
    — Jour pour jour nous reviendrons !
    Mon époux essuya le sang qui coulait sur ses paupières.
    — Allah n’en a pas fini avec nous, souffla-t-il. Abu Sofyan peut prendre ce jour. Rien n’est clos. Allah lui tend son destin.
     
    Uhud ne fut pas une défaite. Ce fut une épreuve. Allah n’avait pas abandonné Son Messager.
    Et moi qui vis la bataille, je me souviens d’elle comme si c’était hier, et de la voix de Muhammad qui me disait : « Viens. Viens, et qu’Allah se montre à toi dans Sa miséricorde. »

Troisième rouleau

Les épouses

L’incrédulité

1.
    Madina après la bataille. Je m’en souviens comme on se souvient du pire.
    Dans chaque maison

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