Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
Vom Netzwerk:
surprendre un jour notre époux en lui présentant un texte tout entier écrit de ma main et d’une calligraphie qui enchanterait son coeur. C’était là le bonheur et l’ambition d’une jeune épouse débordant d’amour pour son bien-aimé. Et la faute d’une fille encore trop ignorante des bassesses des hommes avides d’un pouvoir qu’ils se croient les seuls à détenir.
     
    Ô lecteur, tu verras plus loin pourquoi, et en quelles vicieuses circonstances, notre époux ne put jamais goûter au plus beau présent que j’aurais pu lui offrir.
    Que craindrais-je, aujourd’hui, à dire aux milliers de Croyants d’Allah toute la vérité de ce temps-là ? Les jours qui me séparent du jugement éternel peuvent se compter comme les nuages dans le ciel d’automne.

4.
    Un de ces jours d’hiver où je tissais dans ma chambre avec elle, Barrayara m’adressa des regards sombres. Je crus qu’une fois de plus elle allait s’amuser de ma maladresse. Jamais je ne fus habile aux travaux de tissage. Barrayara ne manquait aucune occasion de me faire savoir que je me servais mieux d’un calame que d’une navette. Aussi, entre rire et lassitude, je l’interrogeai sur les défauts de mon ouvrage.
    — Ton travail est correct, grogna-t-elle. Si l’on n’est pas trop exigeant…
    — Alors pourquoi ces regards ?
    — Tu ne le devines pas ?
    — Que dois-je deviner ?
    Elle soupira, reposa sa navette sur ses genoux.
    — Décidément, tu ne grandiras jamais, ma fille ! Si je ne t’en informe pas, tu ne sais rien de ce qui se dit hors de ta chambre ou de la mosquée.
    — C’est déjà beaucoup, lui répliquai-je, moqueuse. Tu oublies que je sais aussi ce qui se dit sous le tamaris.
    — Sauf que l’important se dit toujours ailleurs.
    C’était là une vérité, je devais le reconnaître. Je cessai mon travail.
    — Que dois-je savoir que j’ignore ?
    — Que ton époux possédera bientôt une nouvelle couche dans sa maison. Inch Allah !
    Qu’Allah me pardonne, la jalousie me pétrifia dans l’instant même. Barrayara laissa ses mots tracer leur chemin jusqu’à mon coeur. Peut-être pas sans plaisir.
    — Encore une ? parvins-je à souffler bêtement.
    — Encore une. Et pas la moindre.
    — Qui ?
    Le visage de Barrayara se referma, soucieux et sévère.
    — Omm Salama bint Abi Oumaya.
    — Oh !
    — Elle est veuve depuis vingt jours.
    Je savais que son époux, Abu Salama Abdullah ibn Abdul Assad, avait eu la jambe coupée et la poitrine enfoncée à Uhud. Il avait survécu presque trois saisons en supportant des souffrances terribles. La fièvre l’emportait parfois droit vers la mort, puis il en revenait, tel un homme qui interrompt un voyage. Certains disaient que c’était là le signe qu’Allah voulait le purifier de son vivant afin de le recevoir en parfait martyr près de Lui.
    Muhammad visitait Abu Salama, son frère de lait qu’il connaissait depuis toujours, chaque midi. Ils joignaient leurs prières. Quand Abu Salama avait toute sa conscience, il chantait les louanges de Dieu et celles des prières de l’Envoyé, qui le soulageaient. Il l’avait suivi dans la Loi d’Allah sans hésiter.
    Allah l’avait voulu : la longue agonie de son frère de lait permit à notre époux d’apprendre à connaître Omm Salama. Moi, je ne l’avais jamais vue. Je ne savais d’elle que le jugement que ma mère Omm Roumane en avait fait un jour dans un claquement de langue :
    — S’il est une femme dans Madina que tu dois admirer, c’est elle.
    Conseil que, bien sûr, je m’étais empressée de ne pas suivre, tant il est bon que les filles, pour leur plus grand bien, ne partagent pas toujours les admirations de leurs mères.
     
    Lorsque je lui appris la nouvelle, Hafsa s’écria à son tour :
    — Qu’est-ce que tu dis ? Omm Salama ! Par Allah ! Rien de pire pour nous ! Muhammad nous trouve-t-il donc si jeunes et si ridicules qu’il lui faut celle-ci en plus ? Qu’Allah m’emporte tout de suite ! Jamais nous ne soutiendrons la comparaison.
    La brutalité de cette réaction acheva de me tordre le ventre. Je comptais sur Hafsa pour décider de notre conduite envers notre époux. Et la voilà qui gémissait à grands cris, défaite avant même la bataille !
    La journée qui suivit, Hafsa fut intarissable sur Omm Salama. Elle l’avait connue de près durant son précédent mariage. Son défunt mari était un proche compagnon d’Abu Salama depuis leur plus jeune

Weitere Kostenlose Bücher