Aïcha
dans Madina envie la beauté et l’intelligence que Dieu a déposées en elle alors qu’elle n’a pas vingt ans. Que feras-tu de moi, qui suis usée du double et qui ai enfanté plus d’une fois ? Dieu te fait regarder le temps qui vient et qui sera celui de Sa gloire. Ce temps-là, tu l’approches chaque nuit que tu passes auprès d’Aïcha et chaque fois que tu la vois, et encore chaque fois que tu entends sa voix. Avec moi, que découvriras-tu que tu ignores encore ?»
L’Envoyé se tut pour observer l’effet de ces mots sur mon visage. Enfin, il ajouta :
— Vous avez la même opinion l’une de l’autre. Abu Salama est mort en héros de Dieu. Qu’il soit reçu au paradis d’Allah ! Il était mon frère de lait et un Croyant des premiers jours. Mon devoir est d’accueillir sa veuve et ses enfants dans ma maison. Mon désir l’est aussi, car Omm Salama est celle qu’elle est. Il n’est pas un homme sensé et soumis au regard d’Allah qui ne désirerait l’avoir pour épouse. Mais rien ne peut se faire de bon et de juste dans un foyer sans un accord entre les femmes. Voici ce que je propose : tu vas aller devant Omm Salama. Vous parlerez de ce qui vous rassemble et vous désaccorde sous le regard de Dieu. Vous déciderez de ce qu’il doit en être de ces épousailles. Je suivrai votre conseil.
Ainsi savait manoeuvrer notre époux, conduisant chacun et chacune à tenir sa place sous le regard d’Allah, Celui qui pardonne, châtie et juge. Nul n’y trouvait à redire, autant pour le gouvernement de sa maison que pour la vie de Madina et la guerre contre les douteurs et les hypocrites.
2.
J’allai donc devant Omm Salama.
Au premier regard, je vis que tout ce que j’avais entendu la concernant était véridique. À l’exception de sa beauté. Jamais je n’avais contemplé plus grande beauté, et beauté faite cependant de plus de simplicité.
Elle ne portait pas le moindre bijou. Le khôl cernait à peine ses yeux. Le noir de ses sourcils était plus parfait qu’aucun trait de calame ne le sera jamais. Elle n’avait besoin d’aucune pâte pour humidifier ses lèvres pleines qui donnaient même aux femmes le désir de les frôler. Ses mains étaient celles d’une femme qui n’ignore pas les tâches. Sa tunique ordinaire, d’un bleu de ciel d’avant la nuit, flottait loin de sa silhouette sans pourtant l’effacer. Allah y avait combiné la perfection des lignes, la souplesse et la fermeté.
Pour tout le reste de son corps, que la décence masquait, femme ou homme, nul ne pouvait se retenir d’éprouver le désir violent de le découvrir.
Après avoir déposé sa dernière-née dans les mains d’une servante, d’un signe de tête Omm Salama me proposa de m’asseoir face à elle. Déjà, je savais qu’il serait impossible qu’elle ne vînt pas rejoindre notre époux dans notre maison. Le Clément et Miséricordieux n’aurait pas voulu que pareille femme se détourne de Son nâbi.
Elle me dit :
— Je suis très heureuse de te voir, Aïcha bint Abi Bakr.
Je lui répondis que moi aussi, j’étais heureuse de faire sa connaissance.
— Beaucoup, et souvent, j’ai entendu parler de toi, ajouta-t-elle.
Je lui répondis que moi aussi.
— Tu es plus mûre d’apparence qu’on ne me l’a laissé croire.
Je lui répondis que je la trouvais infiniment plus belle qu’on ne me l’avait laissé entendre.
— Notre beauté ne nous concerne pas, fit-elle avec dédain. Dieu l’a placée sur nous comme nous plaçons une couverture sur le dos d’une mule. Celui qui monte la mule peut s’en réjouir et se montrer fier de sa couverture. La mule reste mule. La belle couverture ne nous épargne ni les tâches ni le poids des jarres. Heureusement, toutes les femmes ne sont pas des mules, et même les plus laides peuvent se montrer intelligentes. N’es-tu pas de cet avis ?
— Je le suis. Mais il est impossible pour autant que Dieu ait créé la beauté des femmes sans aucun but.
— Alors c’est un but qu’il n’a pas encore révélé à Son Envoyé, objecta-t-elle. Ni à aucun autre homme.
Je lui répondis que je ne pouvais rien dire du savoir des autres hommes quant à la beauté des femmes. En ce qui concernait l’Envoyé, tout au contraire, j’avais pu mesurer l’usage que Dieu lui en avait donné. Le but en était évident : que mon époux goûte un peu du paradis qui attendait les justes et les sincères après le jugement.
— La beauté
Weitere Kostenlose Bücher