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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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des femmes, des lieux et des choses, ou même du ciel en certaines heures, n’est-elle pas une promesse, de celles que l’on éprouve parfois en priant ? Si tu rejoins notre maisonnée, Omm Salama, tous ceux qui la fréquentent pourront contempler la beauté promise par Allah à Son Envoyé comme aux Croyants dont le coeur est pur.
    — Tu le penses sincèrement ? me demanda-t-elle.
    Je lui répondis que oui.
    — Y a-t-il des coeurs purs chez les hommes ? insista-t-elle.
    — Le Tout-Puissant, dans Sa clémence et Sa miséricorde, éduque les Croyants pas à pas, dis-je. L’un des enseignements les plus difficiles est celui des lois entre les hommes et les femmes, les maris et les épouses. Hélas, Hafsa et moi-même sommes trop jeunes pour que l’Envoyé nous érige en exemples. Ta présence dans notre cour, ton âge, ton expérience et ta réputation seront pour lui un atout de grande valeur.
    — Tu es bien la fille que l’on m’avait décrite, dit-elle. Beaucoup plus rusée que ta jeune beauté ne pourrait le laisser soupçonner.
    Je lui répondis que mon époux m’avait demandé de venir la voir pour que je me fasse une opinion sur elle. Je le connaissais désormais assez pour avoir compris qu’en vérité il souhaitait sans oser l’avouer que je la convainque d’accepter les épousailles qu’il proposait.
    — Mais celles-ci te déchirent le coeur ? murmura Omm Salama.
    — Je l’ignore.
    — Moi, je le sais, dit-elle en soupirant. Nous nous ressemblons sur ce point. Nous ne serons jamais heureuses de partager notre époux. Je suis de celles qui n’ont nul besoin de voir ce qui se passe derrière les murs pour se le représenter. Je n’aime pas cela. Je n’aime pas non plus que des mots prononcés dans ma couche puissent se répéter dans une autre couche. N’as-tu jamais eu cette pensée que c’était comme si nos cuisses ne nous appartenaient pas et n’étaient pour l’époux qu’un divertissement à l’ennui de la répétition ?
    — Dans la couche, il y a aussi nos têtes. L’Envoyé est un homme qui s’intéresse à nos paroles.
    — Aux tiennes, car tu es jeune et que, depuis que tu es enfant, il te modèle comme une pâte de glaise. Moi, je suis trop vieille pour ces jeux-là. L’Envoyé ne me modèlera pas et je l’agacerai avant le prochain hiver.
    Je baissai la tête sans répliquer.
    — Ne t’offusque pas, dit-elle en souriant. À quoi bon parler, si ce n’est pas pour dire la vérité ? Tout ce que je te confie là, je l’ai confié à Muhammad ibn ‘Abdallâh. Il m’a répondu : « Ta jalousie, Dieu l’apaisera. » Je lui ai dit : « J’ai déjà des enfants et ma jeunesse est terminée. » Il m’a répondu : « Je suis moi-même bien assez vieux pour toi. » Deux réponses pas très convaincantes, tu ne trouves pas ?
    Dans le regard d’Omm Salama, je lisais ce qu’elle pensait. Et je compris ce que, très vite, nous constaterions tous : jamais Omm Salama ne dissimulerait ses pensées. Jamais elle ne serait de celles qui apaisent les disputes.
    — Est-ce vrai ce que l’on dit de toi ? me demanda-t-elle. Que tu n’as pas le sang des femmes et que tu n’auras pas d’enfants ?
    Je sentis mes joues s’enflammer.
    — Pas de honte, ma fille, pas de honte ! Sois-en heureuse. Pour te faire un pareil cadeau, sois sûre qu’Allah t’aime plus que nous autres. Et pour ce qui est des épouses, voilà un sujet de dispute en moins : savoir quels sont les enfants préférés de l’époux. C’est ainsi que cela se passe, n’est-ce pas ?
    J’hésitai. Puis, avec un peu de colère dans la voix, je rétorquai :
    — Une telle dispute est exclue de notre maison. L’Envoyé a décidé de sa descendance : il a choisi les enfants de Fatima et d’Ali.
    Je me levai pour mettre fin à ma visite.
    C’est alors qu’Omm Salama m’agrippa les mains avec une chaleur et un empressement qui me surprirent :
    — Ne sois pas blessée par mes paroles, Aïcha, ma fille. Si Dieu lit dans nos coeurs, pourquoi devrions-nous cacher nos vérités ? Et je n’ai pas ta jeunesse pour que le désir de danser me vienne à la seule pensée d’une caresse de l’Envoyé.

3.
    Toi qui me lis, ne te trompe pas.
    Omm Salama bint Abi Oumaya a toujours été franche, qu’elle s’adresse à Allah, à Son Prophète ou à nous, les épouses. Mais de ma vie, je n’ai vu ni entendu femme plus accomplie. Selon mon jugement, de toutes les Mères des Croyants,

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