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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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âge. Ils avaient accompli en commun leur installation dans Madina.
    — Omm Salama est vieille, soupira Hafsa. Elle pourrait être notre mère. Peut-être a-t-elle quarante ans. On pourrait croire que ça suffirait à détourner le regard des hommes. Tout au contraire ! Auprès d’elle, ils bourdonnent telles des mouches autour du miel. C’est qu’elle sait parler, choisir, lire, écrire et mener une maisonnée mieux qu’aucune de leurs mères. Ô Allah tout-puissant, pourquoi m’as-tu laissée m’aveugler comme une fouine du désert ? J’aurais dû me douter de ce qui allait advenir quand nous avons appris que l’Envoyé allait visiter chaque jour Abu Salama. Tant pis si c’est de la mauvaiseté de pensée : je suis certaine que notre époux n’y allait pas seulement pour respirer les plaies du mourant. Omm Salama l’aura ensorcelé, comme elle a subjugué tous les autres. Maintenant, je comprends mieux. Ces derniers temps, j’ai senti que notre époux n’était plus si attentionné dans la couche. Folle que je suis, je n’ai pensé qu’à ses soucis et à sa fatigue ! Oh Aïcha, ma soeur, ne t’illusionne pas. C’en est fini de notre bonheur. Cette femme… Cette femme…
    Hafsa ne sut conclure autrement que d’un geste qui se passait de mots.
    Aujourd’hui, je sais qu’elle disait une bonne part de vérité. Les si beaux jours partagés avec notre époux après l’exil des Banu Nadir s’achevaient, et avec eux un bonheur dont jamais ne revint la légèreté. Allah nous les avait accordés. Il les reprenait avant que l’insouciance ne nous pervertisse.

Une rivale ?

1.
    Comme je craignais que la colère d’Hafsa n’envenime les choses, ce fut moi qui posai la question à Muhammad. Alors que je déposais ses galettes du soir devant lui, dans ce moment de la nuit où la lumière des lampes vacillait à peine et où les mots venaient doucement, je dis :
    — Très-aimé, la rumeur prétend que tu vas prendre la veuve d’Abu Salama pour épouse. Est-ce vrai ?
    Comme il aimait toujours le faire lorsqu’on lui adressait une question délicate, Muhammad prit le temps de bien réfléchir avant de répondre :
    — Oui, si Allah le veut. Et si Omm Salama le veut elle aussi. À ce jour, rien n’est certain. À moi de te poser une question, mon miel. Craindrais-tu la présence d’une nouvelle épouse ?
    — Oui. Et Omm Salama plus qu’une autre.
    — Pourquoi ? La connais-tu ?
    — Je ne l’ai jamais vue. Hafsa la connaît. Ma mère Omm Roumane, ainsi que Barrayara et vingt autres que j’ai entendues la connaissent. Toutes prononcent les mêmes mots au sujet d’Omm Salama.
    — Ah ? Elles trouvent qu’Omm Salama ne ferait pas une bonne épouse ?
    — Si, bien sûr, la meilleure, même. Aucune autre femme de Madina n’est aussi digne d’ouvrir sa couche à l’Envoyé.
    — Et c’est cela qui t’inquiète ?
    — Elles disent qu’Omm Salama pourrait être ma mère, mais qu’aucune femme ne peut soutenir la comparaison avec son intelligence. Et que, pour certains hommes, c’est un charme plus sûr que des yeux de braise ou une poitrine d’innocente.
    Allah m’en fut témoin : le rire de mon époux me déchira jusqu’aux larmes.
    — Yeux de braise et poitrine d’innocente ! Si c’est de toi que tu parles, ma bien-aimée, tu ne te rends pas justice. Tes yeux me sont un lac de douceur infinie et non de braise, ce que je préfère grandement. Quant à ta poitrine, elle est suave et tendre, et contient désormais bien trop de ruse et de savoir pour être encore innocente. Pour ce qui est d’Omm Salama, j’ajouterai au jugement de celles qui te l’ont décrite que sa beauté vaut tout autant que son intelligence, ce qui n’est pas rien.
    Pas un mot ou une pensée ne parvint à percer la honte qui s’empara de moi.
     
    Mon époux m’observa patiemment, le temps que je retrouve la parole. Comme rien ne venait entre mes lèvres et que je ne parvenais pas à faire un mouvement, il acheva paisiblement son repas. Après s’être lavé les mains, rincé et essuyé la bouche, il posa de nouveau les yeux sur moi.
    — Miel de ma vie, sais-tu ce qu’Omm Salama m’a répondu quand je lui ai dit mon désir de rompre son veuvage et de l’accueillir au sein de notre maisonnée ?
    Je trouvai la force de secouer la tête.
    — Elle m’a dit : « Ô Apôtre, quel besoin de m’avoir comme épouse quand ton coeur est déjà tout entier pris par Aïcha ? Chacun

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