Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
vers d'Homère, et les deux enfants, fascinés, imaginaient ces aventures extraordinaires, l'histoire du gigantesque conflit auquel avaient participé les hommes les plus forts du monde, les femmes les plus belles, et les dieux eux-mêmes, alliés à un camp ou à
l'autre.
A présent, Alexandre comprenait parfaitement qui il était, il appréhendait l'univers qui l'entourait et le destin auquel on le préparait.
On lui proposait divers modèles: l'héroÔsme, la résistance à la douleur, l'honneur et le respect de la parole donnée, le sacri fice jusqu'au don de sa propre vie. Et il s'y conformait jour après jour, non par empressement de disciple, mais par incli nation naturelle.
Plus il grandissait, plus sa nature se révélait: un mélange de l'agressivité guerrière de Philippe, de la colère royale qui écla tait aussi brusquement que la foudre, et du charme d'Olym pias, de sa curiosité pour l'inconnu, de sa soif de mystère.
Il nourrissait pour sa mère un amour profond, un atta chement presque malsain, et pour son père une admiration infinie qui se muait toutefois, au fil du temps, en volonté de compétition, en un désir toujours plus fort d'émulation.
Désormais, les fréquentes nouvelles des succès de Philippe ne semblaient plus le réjouir, mais plutôt le chagriner. Il com mençait à se dire que si son père étendait sa domination sur le monde entier, il ne lui resterait plus aucun endroit o˘ exercer sa valeur et son courage.
Il était encore trop jeune pour mesurer la grandeur du monde.
quand il pénétrait dans la classe de Léonidas avec ses camarades pour les leçons, il lui arrivait d'entrevoir un garçon à l'aspect mélancolique, de treize ou quatorze ans, qui s'éloi gnait rapidement.
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ALEXANDRE LE GRAND ~ ~,FILS DU SONGE 47
" qui est-ce ? demanda-t-il un jour à son maître. ;
--Cela ne te regarde pas ", répondit Léonidas, qui changea aussitôt de sujet de conversation.
Depuis son arrivée au pouvoir, Philippe nourrissait une grande aspiration: introduire la Macédoine dans le monde grec. Mais il savait fort bien que pour atteindre un tel objectif, il devrait s'imposer par la force. C'est pourquoi il avait consacré toute son énergie à arracher son pays à sa condition d'…tat tribal de bergers et d'éleveurs, pour le transformer en une puissance moderne.
Il avait développé l'agriculture dans les plaines, gr‚ce à des ouvriers issus des îles et des villes grecques de l'Asie Mineure, qu'il avait appelés dans ce but. De même, il avait intensifié les activités minières sur le mont Pangée, parvenant à tirer de ses mines jusqu'à mille talents d'or et d'argent par an.
Il avait établi son autorité sur les chefs tribaux et se les était attachés au terme de luttes farouches, ou au moyen d'alliances matrimoniales. En outre, il avait créé une armée d'une ampleur extraordinaire, constituée d'unités d'infanterie lourde particulièrement puissantes, d'unités d'infanterie légère très mobiles et d'escadrons de cavalerie qui n'avaient pas leur pareil sur les rives de la mer …gée.
Mais tout cela n'avait pas sufffi à faire de lui un Grec aux yeux du monde. Comme Démosthène, nombre d'orateurs et d'hommes politiques d'Athènes, de Corinthe, de Mégare et de Sicyone continuaient de le surnommer Philippe le Barbare.
Ils se moquaient de l'accent des Macédoniens, marqué par l'influence des peuples sauvages qui se pressaient à leurs frontières septentrionales, des monstrueux excès avec lesquels ils s'adonnaient à l'alcool, à la nourriture et au sexe au cours de leurs banquets, qui dégénéraient régulièrement en orgies. Et ils jugeaient barbare un …tat encore fondé sur les liens du sang, et non sur le droit de citoyenneté, gouverné par un souverain qui pouvait distribuer des ordres à tout le monde et se dresser au-dessus des lois.
Philippe atteignit son objectif quand il réussit enfin à l'em porter sur les Phocéens au cours de la guerre sacrée, obtenant leur expulsion du conseil du sanctuaire, la plus noble assem blée de toute la Grèce. Les deux voix dont leurs représentants disposaient furent offertes au roi des Macédoniens, qui reçut la charge hautement honorifique de président des jeux Pythiques, les plus prestigieux après les Olympiades.
Ce fut le couronnement de dix années d'efforts, et il corres pondit avec les dix ans de son fils Alexandre.
Au cours de cette période, un grand orateur athénien du nom d'Isocrate
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