Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
l'entrée avant de s'effacer devant les deux adolescents.
Alexandre alla vers le plateau o˘ reposaient des mets et des fruits. "
Mangez quelque chose, je vous en prie, ne vous gênez pas ", dit-il. Il se tourna vers les adolescents et saisit dans un battement de cils la teneur de la scène qui venait de se dérouler derrière lui.
L'un des garçons avait aperçu le portrait de Memnon sur la table.
Craignant sa réaction, sa mère lui avait jeté un regard foudroyant avant de poser la main sur son épaule.
Le roi fit semblant de n'avoir rien remarqué. Il se contenta de répéter:
" Vous ne voulez rien manger? Vous n'avez pas faim ?
--Je te remercie, mon seigneur, répondit la femme, mais ~ nous sommes fatigués par notre voyage et nous aimerions 1~ nous reposer, si tu le permets.
--Bien s˚r. Allez donc. Leptine portera ces vivres sous votre tente: vous pourrez ainsi vous restaurer si vous en avez envie au cours de la nuit. "
Il ordonna à la jeune fille de raccompagner ses invités, puis i~ il regagna sa table et reprit dans ses mains le portrait de son ~ adversaire, comme s'il voulait découvrir dans son regard le &~ secret de sa mystérieuse énergie.
Le camp était totalement plongé dans le silence et la nuit -~ avait parcouru la moitié de sa course. Un soldat du poste de garde commençait à
faire sa ronde. L'officier qui le comman dait s'assura que les sentinelles postées aux entrées étaient bien réveillées. quand l'écho des appels et du mot d'ordre se fut évanoui, une silhouette enroulée dans un manteau quitta furtivement la tente des invités et se dirigea vers celle du roi.
Péritas dormait. Le vent marin poussait vers lui l'odeur du sel emportant vers la campagne tous les autres eflluves. Les deux sentinelles placées devant le pavillon royal étaient appuyées sur leurs lances, à droite et à
gauche de l'unique entrée.
La silhouette hésita un instant avant de marcher vers eux d'un pas décisif, un plateau entre les mains.
" C'est Leptine, dit l'un d'eux.
--Salut, Leptine. Pourquoi ne viendrais-tu pas nous tenir compagnie un peu plus tard ? Nous sommes fatigués et nous nous sentons terriblement seuls. " ` ~
La femme secoua la tête comme si elle était habituée à ce genre de plaisanteries, elle leur offrit un g‚teau et entra.
Elle ôta son capuchon à la clarté des lanternes, découvrant son magnifique visage aux traits orientaux. Du bout des doigts, elle effleura le portrait de Memnon qui se trouvait encore sur la table, puis retira de ses cheveux une grosse ~& épingle, surmontée d'une tête d'ambre. Alors, d'un pas léger, &9 elle s'approcha du rideau qui séparait l'entrée de la chambre
ALEXANDRE LE GI~D L~S SA~LES D AMMON
du roi. La faible lumière d'une troisième lanterne brillait de l'autre côté.
Derrière le rideau, Alexandre dormait dans une chlamyde militaire, non loin de l'armure qu'il avait prise dans le temple d'Athéna Ilias, à Troie et qu'il s'était appropriée.
Au même moment, fort loin de là, dans le palais de Pella, la reine Olympias se tournait et sc retournait sur sa couche, tour mentée par un cauchemar. Soudain, elle se redressa et lança un cri aigu, terrifiant, qui résonna dans ses appartements.
Les doigts serrés autour de l'épingle, Barsine visa le coeur d'Alexandre.
Mais le roi se réveilla brusquement et la foudroya du regard. …tait-ce l'ombre oblique que projetait la lanterne ? Son oeil gauche, aussi noir que la nuit, donnait au souverain l'allure d'une créature surnaturelle, titanique, d'un monstre mythologique. Terrifiée, l'étrangère fut incapable de lui porter le coup rnortel.
Alexandre se leva lentement, repoussant de la poitrine la pointe de bronze, qui fit perler une goutte de sang sur sa peau. Il continuait à
fixer son invitée sans ciller.
" qui es-tu ? lui demanda-t-il. Pourquoi veux-tu me tuer ? "
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La femme laissa tomber son épingle et, se cachant le visage derrière ses mains, fondit en pleurs.
" Dis-moi qui tu es, insista Alexandre. Je ne te ferai aucun mal. J'ai remarqué la réaction de ton fils quand il a aperçu le portrait de Memnon sur ma table. C'est ton époux, n'est ce pas ? N'est-ce pas ? répéta-t-il plus fort en lui saisissant les poignets.
--Je me nomme Barsine, répondit la femme, les yeux rivés au sol, la voix éteinte. Et je suis l'épouse de Memnon. Ne fais pas de mal à mes enfants, je t'en conjure, et si tu crains les dieux, ne me déshonore pas. Mon mari paiera une grosse
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