Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
dague. A ces mots, Parménion l‚cha l'épée dont il s'était déjà emparé et avança vers lui. Son visage traduisait une douloureuse surprise. " Le roi..., mur mura-t-il d'un air incrédule. Comment est-ce possible ? "
Le tueur plongea sa dague dans la poitrine du général, qu'il regarda s'effondrer sans un gémissement dans une mare de sang. Il le regarda mourir et ne vit dans ses yeux ni haine ni rébellion. Ils ne contenaient.que des larmes. Et il eut l'impres sion que ses lèvres laissaient échapper quelques mots avant de se referm~r sur son dernier soupir, peut-être... peut-être son mot de passe.
Il sortit par la porte qui s'ouvrait dans le mur de droite et s'évanouit dans les méandres du grand palais. Peu de temps après, la paix du couchant fut déchirée par un long cri d'horreur.
Treize jours plus tard, Alexandre apprit que Parménion avait été
assassiné. Bien qu'il e˚t lui-même décidé de ce meurtre, il fut blessé par cette nouvelle, comme s'il avait espéré qu'un dieu imprimerait au sort une autre direction. Il s'enferma sous sa tente, en proie à une terrible angoisse. Pendant plusieurs jours, il refusa de voir qui que ce soit, de s'alimenter ou de boire. Leptine tenta à plusieurs reprises de forcer sa porte, mais on la vit chaque fois quitter la tente en larmes avant de s'accroupir sur le sol, qu'il pleuve ou qu'il vente. Les amis qui s'approchèrent du pavillon royal au cours de ces jours-là pour avoir des nouvelle$ du roi n'entendirent que sa voix rauque et monotone répéter à
l'infini une vieille comptine macédonienne qu'ils avaient l'habitude de chanter quand ils étaient enfants. Ils repartaient alors en secouant la tête.
Eumène conclut le quatrième livre de son Joumal en écri vant: Le septième jour du mois de Pyanopsion, le général Parménion a été tué
par ordre du roi, sans avoir commis aucune faute. C'était un homme courageux, qui s'était tou jours battu avec honneur, luttant comme un jeune homme en dépit de son ‚ge avancé. Rien ne pourra souiller sa mémoire: il vivra à jamais dans notre souvenir.
Alexandre finit par regagner son palais à pied, la barbe inculte et les cheveux sales. Il était amaigri et une lueur fuyante habitait à présent son regard. Stateira le prit dans ses
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bras et tenta d'adoucir sa souffrance en s'asseyant près de lui la nuit, en chantant et jouant d'une harpe babylonienne.
L'été se terrninait quand le roi convoqua son armée et fixa le jour du départ. Les officiers de marche s'entretinrent aussitôt avec les guides; les surintendants préposés au ravitaillement préparèrent les chariots et les bêtes de somme; les comman dants des bataillons rangèrent leurs détachements et leur firent effectuer de longues marches d'entraînement pour les réaccoutumer aux efforts de cette discipline. En effet, l'itiné
raire qui les attendait près des gorges du Paropamisos était long et difficile.
La reprise des activités militaires avait suscité une grande excitation dans le camp. Il tardait aux soldats de quitter ces lieux maudits, qui avaient servi de décor à des événements douloureux, d'oublier ces journées de oisiveté et de sang qu'ils avaient passées sur les rives d'un lac sans vie, au pied de là muraille crevassée d'Artacoana, qu'on avait rebaptisée Alexandrie d'Arie.
La princesse Stateira s'aperçut qu'elle était enceinte, et cette nouvelle sembla soulager le roi et lui apporter un peu de joie. Ses amis aussi se réjouirent en songeant qu'ils verraient bien tôt un nouveau, un petit Alexandre. La marche vers le nord s'annonçant très dure, Alexandre pria son épouse de rebrous ser chemin et de s'installer dans un de ses palais.
Stateira par tit donc pour Zadrakarta, dans l'intention de retrouver sa mère à Ectabane ou à Suse.
Par un clair matin d'automne, les trompettes sonnèrent le signal de départ et le roi se plaça à la tête de son armée dans sa plus belle armure, monté sur Bucéphale, comme à l'époque de ses entreprises les plus glorieuses. Héphestion, Perdiccas, Ptolémée, Séleucos, Léonnatos, Lysimaque et Cratère chevau chaient à ses côtés. Ils étaient couverts de fer et leurs cimiers ondoyaient sous le soleil.
Pendant plusieurs jours, ils remontèrent la vallée o˘ coulait le fleuve aux mille ruisseaux, passant de village en village sans obstacle. Les nobles perses qui suivaient l'expédition avec leurs troupes
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