Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
chait le sol montrait qu'on les conduisait rarement au p‚tu rage.
" Je me demande avec quoi ils les nourrissent, dit Eumène qui était arrivé avec le convoi du ravitaillement.
--Avec ça, semble-t-il, répondit Séleucos en indiquant des sacs de fibres d'algues qui contenaient une sorte de poudre blanch‚tre.
--Du poisson, confirma Eumène en reniflant une poignée de cet aliment. Du poisson séché et moulu. "
Ils retournèrent au campement avec l'eau qu'ils purent recueillir et ave~
les troupeaux réquisitionnés; mais la chair de ces animaux avait un go˚t repoussant, qui évoquait le pois son pourri. N'ayant pas le choix, ils durent se nourrir de ce qu'ils avaient pris.
Ils poursuivirent leur route pendant plusieurs jours sous un soleil br˚lant, tourmentés par la soif. Parfois, le désert chan geait de couleur, devenant d'une blancheur aveuglante, et l'ar mée était obligée de marcher sur une cro˚te de sel déposée par de vieilles lagunes marines qui entamait les sabots des chevaux et les chaussures des fantassins, provoquant de pro fondes gerçures puis des plaies fort douloureuses. De nom breuses bêtes de somme et de nombreux chevaux moururent de soif et de faim, puis ce fut le tour des hommes.
Personne n'avait le temps ni la force de les enterrer ou de leur rendre les honneurs. L~s soldats remarquaient à peine qu'un des leurs tombait d'épuisè~,ent. S'ils s'en apercevaient, ils ne parvenaient pas à l'aider, et\le corps du malheureux gisait à l'abandon, en proie aux chacal~;,ou aux vautours qui ne cessaient de tournoyer au-dessus de la colonne en marche. A la douleur que ces disparitions suscitaient dans le coeur d'Alexandre s'ajoutaient les regrets de vc~ir sa jeune épouse subir autant d'inconfort et de privations, à insi que l'angoisse pour le sort de sa flotte, dont il n'avait plus c ..
le jour de son départ de Pattala.
Dans cette terrible épreuve, dans ces é
e nouvelles ctepuls
, ~ouvantables diffi cultés, seul
Calanos paraissait indifférent,~ la douleur et aux souffrances: il marchait pieds nus sur le~able br˚lant, se cou vrant tout juste les épaules d'un morceau d'étoffe; le soir, quand les ténèbres apportaient un peu de fraîcheur au désert, il s'asseyait auprès du roi et conversait avec lui, lui parlait de sa philosophie, de l'art de contrôler ses passions et les besoins de son corps. En dépit de son jeune ‚ge, Roxane se comporta elle aussi d'une façon irréprochable, avec une fierté et un courage exemplaires.
On la vit à plusieurs reprises chevau cher aux côtés de son époux, vêtue de la tunique des cavaliers sogdiens, et bander son arc pour abattre des oiseaux de pas sage.
Un jour, alors que les hommes étaient à bout de forces, un soldat de la garde découvrit, comme par miracle, une cavité au fond d'une cuvette, o˘
semblait se concentrer un peu d'humidité. Il se mit à creuser de la pointe de son épée et vit
9Yr AIEX~ TONFINS DU MONDE 997
bientôt des gouttes d'eau sourdre lentement à la surface. Il parvint à en remplir le fond de son casque, qu'il tendit à Alexandre après s'être mouillé les lèvres. Le roi était, en effet, durement éprouvé par ces efforts, d'autant plus que sa bles sure le faisait encore souffrir.
Alexandre le remercia et prit le casque pour le porter à ses lèvres. Mais il se rendit compte que tous ses hommes le regar daient. Voyant leurs yeux rougis par le sel, leur peau sèche, leurs lèvres gercées, il n'eut pas le courage de se désaltérer. Il versa l'eau sur le sol en disant: " Alexandre ne boit pas quand ses soldats meurent de soif. " Puis, remarquant que nombre d'entre eux se laissaient aller, il s'écria: " Courage, hommes !
Croyez-vous que les dieux nous aient permis d'accomplir de si grandes entreprises pour que nous mourions dans ce désert ? Non, soyez confiants !
Je vous garantis que, demain, nous aurons quitté cette fournaise, que~ vous aurez de la nourriture et de l'eau en abondance ! Voulez-vous renoncer maintenant ? Voudriez-vous vous laisser mourir si près du but ? "
Ces mots insufflèrent un peu de courage dans l'esprit des soldats, qui reprirent leur marche jusqu'au soir. La mer était loin désormais, et l'on grimpait vers une ligne de collines pier reuses o˘ l'on pouvait trouver un peu de fraîcheur à la tombée du soir. Le lendemain, au coucher du soleil, ils passèrent le col et aperçurent une ville murée à l'horizon.
" C'est Pura, dit l'un des officiers perses. Nous
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