Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
virer à tribord et de tourner le grand rostre en bronze de la trirème vers le flanc de la petite embar cation.
Terrorisés, les occupants de la chaloupe s'immobilisèrent. quand le commandant athénien leur ordonna de s'approcher, ils ramèrent vers le navire grec et montèrent à bord.
Il y avait quelque chose d'étrange dans leur comportement et dans leur aspect. Lorsqu'ils ouvrirent la bouche, l'officier athénien n'eut plus de doute: c'étaient des Macédoniens, et I non des pêcheurs thraces, comme ils voulaient le faire croire.
On entreprit de les fouiller et on trouva au cou de l'un d'entre eux un étui de cuir contenant un message. Une véri table chance ! L'officier demanda à l'un de ses hommes de l'éclairer avec une lanterne, et lut l'inscription qu'il portait:
Philippe, roi des Macédoniens, à Antipatros.
Lieutenant-général, salut !
Voilà que se présente à nous l'occasion d'une victoire écrasante sur la flotte athénienne qui croise dans le Bosphore. Fais avancer cent navires de Thasos et bloque la sortie méridionale de l'Hellespont. Je ferai descendre ma flotte du nord et nous les prendrons en tenaille. Ils ne pour ront pas nous échapper. Trouve-toi à l'embouchure du détroit la première nuit de la nouvelle lune.
Porte-toi bien.
" Dieux du ciel ! s'exclama le commandant dès qu'il eut ter miné. Il n'y a pas un instant à perdre. "
Il ordonna aussitôt de changer de cap et de ramer rapide ment vers le centre du détroit, o˘ le vaisseau amiral se balan cait à l'ancre. Il monta à bord, demanda à parler au navarque, un vieil officier doté d'une grande expérience qui se nommait Phocion, et lui remit le message qu'il avait intercepté. L'officier le parcourut et le tendit au scribe, un homme fort compétent qui avait occupé pendant plusieurs années le poste de secrétaire de l'assemblée à Athènes.
" J'ai déjà vu des lettres de P!hilippe dans nos archives. Elle est de lui, aucun doute. Tout comme le sceau ", ajouta-t-il après avoir examiné
scrupuleusement le document.
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Un peu plus tard, sur le vaisseau amiral, le navarque faisait lancer, au moyen d'un bouclier, le signal de la retraite pour tous les navires de la flotte.
Trois jours plus tard, ils atteignirent Thasos, o˘ ils consta tèrent l'absence de la flotte d'Antipatros, qui n'avait au reste jamais existé.
Mais entre-temps, 1 escadre royale avait pu tran quillement descendre le Bosphore et l'Hellespont, et trouver refuge dans un port s˚r.
Dans un de ses discours contre Philippe, Démosthène l'avait surnommé " le renard ". quand il apprit ce qui s'était produit, il comprit que jamais aucun surnom n'avait mieux été mérité.
Le souverain macédonien quitta le siège de Périnthe au début de l'automne et marcha vers le nord pour punir les tri bus scythes qui avaient refusé de lui envoyer des renforts; il défit et tua leur roi Atéas, qui s'était présenté sur le champ de bataille en dépit de ses quatre-vingt-dix ans.
Mais sur le chemin du retour, en plein hiver désormais, l'ar mée de Philippe fut attaquée par la plus féroce des tribus thraces, les Triballes: elle subit de graves pertes et dut aban donner tout le butin. Le roi lui-même fut blessé, et ne parvint qu'avec grande difflculté à ramener ses soldats dans leur patrie, en se frayant un chemin à l'épée.
Il regagna son palais de Pella, épuisé par ses efforts et par les douleurs lancinantes que lui provoquait sa blessure à la jambe, abattu, presque méconnaissable. Mais le jour même, il réunit le conseil et voulut savoir ce qui s'était passé en Grèce et en Macédoine pendant son absence.
Les nouvelles n'étaient pas bonnes, et si Philippe avait encore eu la moindre énergie, il se serait emporté comme un taureau furieux.
Il pensa, en fait, que la nuit lui porterait conseil. Le lende main, il convoqua Philippe, le médecin, et lui dit: " Regarde moi bien, comment me trouves-tu ? "
Le médecin l'observa attentivement. Il remarqua son teint terreux et son regard terne, ses lèvres sèches et gercées, sa voix fêlée. " En très mauvais état, sire.
--Tu ne m‚ches pas tes mots, dit le roi.
--Tu veux un bon médecin, n'est-ce pas ? quand tu as besoin d'un adulateur, tu sais o˘ le chercher.
~ --Tu as raison. Maintenant, écoute-moi bien: je suis prêt à avaler toutes les mixtures que tu voudras me préparer, à me faire rompre l'échine et briser le cou par tes masseurs,
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