Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
et les entraves, à l'exception des rênes, maintenues autour de son encolure. Comme prévu, l'étalon s'éloigna en galopant dans la prairie. Mais Alexandre se lança à sa poursuite et le rejoignit, sous l'oeil ébahi du roi et de ses palefreniers.
Le souverain secoua la tête en murmurant: " Oh, par tous les dieux, le coeur de ce garçon va éclater, son coeur va éclater. " Péritas grondait entre ses dents. Les hommes levèrent la main. Ils entendirent que l'adolescent parlait au cheval, qu'il lui criait quelque chose dans le halètement de la course, des mots que le vent emportait avec les hennissements de l'animal, qui semblait lui répondre.
Brusquement, alors que le jeune homme paraissait s'écrou ler de fatigue, le cheval ralentit sa course. Il se mit à trotter, secouant la tête et soufflant.
Alexandre s'avança, tout doucement, dos au soleil. Il pou vait le voir, pleinement éclairé, il pouvait voir son front large et noir, et sa tache blanche en forme de cr‚ne de boeuf.
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" Bucéphale, murmura-t-il. Bucéphale... Voilà, voilà ton nom. . . C'est ton nom. Il te plaît, mon beau ? Il te plaît ? " Et il s'approcha de lui, au point de l'effleurer. L'animal remua la tête, mais il- ne bougea pas; l'adolescent tendit la main et caressa délicatement son encolure, sa joue, son nez doux comme la mousse.
" Tu veux courir avec moi ? dit-il. Tu veux courir ? "
Le cheval hennit et Alexandre comprit qu'il acquiesçait. Il plongea son regard dans ses yeux ardents et d'un bond se hissa sur lui. Il cria: " Vas-y, Bucéphale ! " et il lui pressa les flancs de ses talons.
L'animal partit au galop en étirant son échine resplendis sante, sa tête, ses membres et sa longue queue frangée. Il fila aussi rapidement que le vent et traversa la plaine en direction du bois et de la rivière. Le martèlement de ses sabots évoquait le grondement du tonnerre.
Puis il s'immobilisa devant Philippe qui ne parvenait pas à en croire ses yeux.
Alexandre glissa au sol et s'écria: " J'ai l'impression de monter Pégase, père ! On dirait qu'il a des ailes. Tels devaient être sans doute Balios et Xanthos, les chevaux d'Achille, les fils du vent. Merci pour ce cadeau ! "
Il caressait l'encolure du che val et son poitrail trempé de sueur, au désespoir de Péritas qui, jaloux, se mit à aboyer. Alors, le jeune homme se pencha pour lui dispenser une caresse rassurante.
Philippe le contemplait d'un air stupéfait, comme s'il n'avait pas encore saisi ce qui venait de se passer. Puis il posa un bai ser sur sa tête et déclara: " Mon enfant, il te faut chercher un autre royaume: la Macédoine n'est pas assez grande pour toi. "
Tandis qu'il chevauchait Bucéphale aux côtés de son père, Alexandre l'interrogea: " Tu l'as vraiment payé treize talents ?
--Oui, et je crois que c'est le prix le plus élevé qu'on ait jamais payé
pour un cheval. C'est le plus bel animal qu'ait pro duit l'élevage de Philonicos, en Thessalie, depuis de nom ~breuses annees.
--Il en vaut plus, dit Alexandre en caressant l'encolure de ~ucéphale.
Aucun autre destrier au monde ne serait dignède moi. "
Ils déjeunèrent en compagnie d'Aristote et de Callisthène: Théophraste avait regagné l'Asie pour poursuivre ses recherches et transmettait régulièrement à son maître des comptes rendus concernant ses découvertes.
; Il y avait aussi deux peintres céramistes de Corinthe ,qu'Aristote avait appelés non pour peindre des vasesj mais ,pour travailler à une entreprise bien plus délicate, une com mande de Philippe: la carte du monde connu.
" Puisje la voir? demanda le roi avec impatience quand ils eurent terminé
le repas.
--Bien s˚r, répondit Aristote. Le mérite de ce que nous avons réussi à
représenter revient aussi à tes conquêtes. "
Ils passèrent dans une vaste salle, bien éclairée, o˘ se ,déployait la grande carte, réalisée sur une peau de boeuf tan née et fixée au moyen de pinces à une table en bois de même taille. Les couleurs avec lesquelles les artistes avaient dessiné les mers, les montagnes, les fleuves et les lacs, les golfes et les îles, étaient resplendissantes.
Philippe la contempla d'un air ravi. Son regard en par courut les contours, de l'Orient à l'Occident, des Colonnes d'Héraclès aux étendues de la plaine scythe, du Bosphore au
Caucase, de l'…gypte à la Syrie.
Il l'effleurait du bout des doigts, craignant presque de la toucher, cherchant
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