Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
à accepter qu'on me fiche tes clystères dans le cul, à manger des poissons puants plutôt que du boeuf rôti pendant tout le temps qu'il faudra, à boire de l'eau de source jusqu'à ce que des gre nouilles clapotent dans mon ventre, mais par les dieux, remets-moi sur pied car je veux que mon rugissement résonne jusqu'à Athènes, et au-delà, au début de l'été !
--Tu m'obéiras ? interrogea le médecin avec méfiance.
--Je t'obéirai.
--Tu ne jetteras pas mes médicaments et mes décoctions contre le mur ?
--Non, je m'y engage.
--Alors viens dans mon cabinet. Je dois t'examiner. "
Un peu plus tard, par une paisible soirée de printemps, Philippe se présenta dans les appartements de la reine sans se faire annoncer. Avertie par ses servantes, Olympias vint sur le seuil à sa rencontre, après avoir jeté un coup d'oeil à son image dans le miroir. " Je suis heureuse de te voir rétabli. Entre, assieds-toi. C'est un honneur pour moi de recevoir dans ces appartements le roi des Macédoniens. "
Philippe prit place et garda un moment les yeux baissés.
" Ce langage officiel est-il nécessaire ? Ne pouvons-nous pas converser comme deux époux qui vivent ensemble depuis de nombreuses années ?
--Ensemble n'est peut-être pas le mot le plus approprié, répliqua Olympias.
--Ta langue est plus coupante qu'une épée.
--C'est parce que je n'ai pas d'épée, justement.
--Je suis venu te parler.
--Je t'écoute.
--Il faut que je te demande un service. Mes dernières cam pagnes n'ont pas été très heureuses. J'ai perdu beaucoup d'hommes et usé mes forces en vain. Les Athéniens pensent que je suis fini, ils boivent les paroles de Démosthène comme s'il s'agissait d'un oracle.
--C'est ce que j'ai entendu dire.
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--Olympias, je ne souhaite pour le moment aucun affron tement direct, et je refuse de le provoquer. Pour l'heure, la bonne volonté doit encore prévaloir. Le désir d'apaiser nos désaccords. . .
--En quoi puisje t'être utile ?
--Il m'est impossible d'envoyer une ambassade à Athènes en ce moment, mais je pensais que si tu le faisais, toi, la reine, cela changerait beaucoup de choses. Tu n'as jamais pris d'ini tiative contre eux. Certains pensent même que tu es une vic time de Philippe. "
Olympias s'abstint de tout commentaire.
" Bref, l'ambassade semblerait ainsi venir d'une puissance neutre, comprends-tu ? Olympias, j'ai besoin de temps, aide moi ! Et si tu ne veux pas m'aider, pense à ton fils. C'est son royaume que je construis, son hégémonie sur le monde entier que je prépare. "
Il se tut et reprit son calme après sa plaidoirie. Olympias se tourna vers la fenêtre comme si elle voulait éviter son regard, et observa elle aussi quelques instants de silence. Puis elle dit:
" J'accepte. J'enverrai Oréos, mon secrétaire. C'est un homme sage et prudent.
--C'est un excellent choix, approuva Philippe qui ne s'at tendait pas à
une telle disponibilité.
--En quoi puisje t'être encore utile ? demanda la reine en prenant le ton froid des adieux.
--Je voulais aussi te dire que dans quelques jours je me rendrai à Miéza.
" Soudain, le visage d'Olympias se trans forma, ses joues p‚les rosirent. "
Je ramène Alexandre. "
La reine cacha son visage derrière son étole, mais èlle ne put dissimuler la violente émotion qui l'assaillait en cet ins tant.
" Tu ne me demandes même pas si j'ai dîné ", dit Philippe.
Olympias leva vers lui ses yeux luisants. " As-tu dîné ? répéta-t-elle servilement.
--Non. Je... j'espérais que tu me demanderais de rester. "
La reine baissa la tête: " Je suis souffrante aujourd'hui. Je regrette. "
Philippe se mordit la lèvre et sortit en claquant la porte.
Olympias s'appuya contre le mur comme si elle se sentait défaillir et écouta son pas lourd résonner dans le couloir puis s'éteindre au fond de l'escalier.
18
Alexandre courait dans la prairie, inondée de la lumière printanière et constellée de fleurs; il courait, torse, jambes et pieds nus, contre le vent qui soufflait dans ses cheveux en lui apportant l'odeur légère des embruns.
E Péritas l'accompagnait, réglant sa course sur la sienne pour éviter de le dépasser ou de le semer. Il aboyait de temps à autre comme pour attirer l'attention de son maître, qui se tournait vers lui dans un sourire, sans s'arrêter pour autant.
C'était un de ces moments o˘ il libérait son esprit, volait comme un oiseau, galopait comme un
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