Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
qui s'était contenté, en fin de compte, d'exécuter ses ordres. L'ambassadeur, qui était resté debout pour écouter le roi s'épancher, lui demanda alors l'autorisation de prendre congé, et se dirigea vers la porte.
" Attends, le rappela Philippe. Comment est Démosthène ? "
Eudème s'immobilisa sur le seuil et se retourna.
" Une boule de nerfs qui n'a que le mot "liberté !" à la bouche ", répondit-il.
Et il sortit.
Philippe ne s'était pas encore remis de sa surprise quand l'armée des alliés s'ébranla. Des troupes légères de Thébains et d'Athéniens occupèrent tous les cols montagneux, de façon à interdire à l'ennemi toute initiative~
militaire en direction de la Béotie et de l'Attique. Gêné par le mauvais temps et par une situation désormais trop difficile et trop risquée, le sou verain décida de rentrer à Pella et de laisser un contingent en Thessalie sous les ordres de Parménion et de Cleitos le Noir.
Alexandre, à la tête d'un détachement de la garde royale, vint l'accueillir à la frontière de la Thessalie et l'escorta jus qu'au palais.
" Tu as vu ? lui dit Philippe après qu'ils se furent salués. Il n'y avait pas urgence. Nous n'avions pas besoin de nous presser. Nous n'avons pas encore pris d'initiative et le jeu est ouvert.
ALEXANDRE LE GRAND LE FILS DU S(3NGE 149
--Mais tout semble se liguer contre nous. Thèbes et Athènes se sont alliées et ont obtenu jusqu'à présent des succès importants. ~> D'un geste de la main, le roi sembla chasser une pensée désagréable. "
Ah! s'exclama-t-il. Laisse-les se repaître de leurs victoires. Leur réveil n'en sera que plus amer. Je ne vou lais pas de confrontation avec les Athéniens et j'ai demandé aux Thébains de rester à l'écart de cette affaire. Ils m'ont poussé à la guerre contre mon gré, et je vais devoir leur mon trer qui est le plus fort. Il y aura encore des morts, encore des carnages: cela me répugne, mais je n'ai pas le choix.
--que penses-tu faire ? interrogea Alexandre.
--Pour l'heure, attendre le printemps: on combat mieux par beau temps.
Mais surtout, je veux pouvoir me consacrer à la réflexion. Rappelle-toi, mon garçon: je ne me bats jamais par simple envie de frapper. La guerre est pour moi un autre moyen de faire de la politique. "
Ils poursuivirent un moment leur route en silence car le roi semblait contempler le paysage et les travailleurs des champs Puis il demanda soudain à Alexandre: " A propos, comment était ma surprise ? "
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" Je ne comprends pas mon père, s'exclama Alexandre. Nous avions la possibilité de nous imposer par la force des armes et il a préféré accepter l'humiliation d'une confronta tion avec l'ambassade athénienne. Pour en sortir bafoué. Il aurait pu attaquer avant, et négocier après.
--Je suis d'accord avec toi, répliqua Héphestion. Pour moi, c'est une erreur. Il faut d'abord frapper, et traiter ensuite. "
Eumène et Callisthène les suivaient au pas, sur leurs che vaux. Ils se rendaient à Pharsale pour remettre un message de Philippe aux alliés de la ligue thessalienne.
" Moi, je le comprends, intervint Eumène, et je l'approuve. Tu sais bien que ton père a vécu un an à Thèbes en qualité d'otage, lorsqu'il était adolescent. Il habitait chez Pélopidas, le plus grand stratège que la Grèce ait connu ces cent dernières années. Il a été profondément impressionné par le système politique des cités, par leur formidable organisation mili taire, par la richesse de leur culture. C'est de cette expérience qu'est né
son désir de répandre la civilisation hellénique en Macédoine, et de rassembler les Grecs dans l'unité d'une grande confédération.
-- Comme à l'époque de la guerre de Troie, observa Callisthène. Voilà ce que vise ton père: unifier dans un pre mier temps les …tats grecs, puis les mener contre l'Asie, ainsi que le fit Agamemnon contre l'empire du roi Priam, il y a presque mille ans. "
Ces mots tirèrent Alexandre de sa torpeur: " Il y a mille ans ? Mille ans se sont écoulés depuis la guerre de Troie ?
--Ils le seront dans cinq ans, répondit Callisthène.
-- Un signe, murmura Alexandre. Un signe, peut-être.
--que veux-tu dire ? interrogea Eumène.
-- Rien. Ne trouvez-vous pas étrange le fait que j'aurai dans cinq ans l'‚ge qu'avait Achille à son départ pour Troie, et que la guerre chantée par Homère aura mille ans à ce moment-là ?
--Non, rétorqua Callisthène. L'histoire nous offre parfois, à de
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