Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
reine.
Une servante déposa alors sur la table un plat de légumes et de salade, qu'elle assaisonna d'huile, de vinaigre et de sel.
~ " Alexandre, reprit Olympias, as-tu jamais songé que ton
- père pourrait brusquement disparaître ?
--Mon père combat dans les rangs avec ses soldats. Cela peut lui arriver.
--Et si cela arrivait ? "
La servante versa du vin, emporta le plat et revint avec de la viande de grue à la broche et un bol de purée de petits pois, que le prince refusa d'un geste de la main.
" Pardonne-moi, j'avais oublié que tu détestais les petits pois... Alors, y as-tu songé ?
--J'en serais terriblement chagriné. J'aime mon père.
--Ce n'est pas la question, Alexandre. Je parle de la suc cession.
--Personne ne remet en cause ma place sur le trône.
--Tant que ton père vit et que je vis moi aussi...
--Maman, tu as trente-sept ans.
--Cela ne veut rien dire. Les malheurs arrivent à tout le monde. Le fait est que ton cousin Amyntas a cinq ans de plus que toi, et qu'il était l'héritier avant ta naissance. quelqu'un pourrait poser sa candidature au trône. En outre, ton père a un autre fils avec l'une de ses... épouses. >~
Alexandre haussa les épaules. " Arrhidée est un pauvre idiot.
--Idiot, mais de sang royal. Il pourrait te faire de l'ombre, lui aussi.
t --Alors comment devraisje réagir, selon toi ?
--Tu détiens le pouvoir en ce moment, et ton père est au loin. Tu disposes du trésor royal: tu peux donc agir à ta guise. Il te suffit de payer quelqu'un. "
Alexandre s'assombrit. " Mon père a laissé vivre Amyntas, 144 ALEXANDRE LE GRAND | ~ LE FILS DU SONGE 145
et ce, même après ma naissance. Je n'ai aucunement l'inten tion de faire ce que tu me suggères. Jamais.
--Aristote t'a certainement rempli la cervelle de ses idées sur la démocratie, mais les choses sont différentes pour un roi. Un roi doit assurer son arrivée au pouvoir: le comprends tu ?
-- Cela suffit, maman. Mon père est vivant, tu le sais fort bien, la discussion est close. Si jamais, un jour, j'avais besoin d'aide, je m'adresserais à ton frère, le roi d'…pire. Il m'aime bien et il me soutiendra.
--…coute-moi ", insista Olympias. Mais Alexandre se leva d'un air agacé
et posa un baiser rapide sur sa joue.
" Merci pour le dîner, maman. Je dois m'en aller, bonne nuit. "
Il descendit dans la cour intérieure du palais, inspecta le corps de garde à l'entrée, puis monta chez Eumène, qui veillait dans son bureau, enregistrant la correspondance destinée au roi.
" Des nouvelles de mon père ? demanda-t~
--Oui, mais rien de neuf. Les Thébains n'ont pas encore choisi leur camp.
-- Sais-tu ce que fait Amyntas, ces jours-ci ? "
Eumène lui lança un regard surpris. " que veux-tu dire ?
--Exactement ce que j'ai dit.
--Eh bien, je l'ignore. Je crois qu'il chasse dans la Lyn cestide.
--Bon. quand il reviendra, confie-lui une mission diplo matique.
--Diplomatique ? Mais de quel genre ?
--Tu n'as qu'à décider. Il doit bien y avoir une mission appropriée pour lui. En Asie, en Thrace, dans les îles. O˘ bon te semblera. "
Eumène commença à objecter: " Vraiment, je ne vois pas... "
Mais Alexandre était déjà sorti.
L'ambassade de Philippe se présenta à Thèbes au coeur de l'automne, et fut autorisée à s'exprimer devant l'assemblée citadine, réunie au complet dans le thé‚tre.
i Ce jour-là, l'ambassade d'Athènes, conduite par Démosthène en personne, y fut également admise, car le conseil tenait à ce que le peuple f˚t en mesure d'évaluer les deux propositions en les confrontant rapidement l'une à l'autre.
Philippe s'était longuement entretenu avec son état-major au sujet de ces propositions; il les jugeait extrêmement avan tageuses et pensait qu'elles seraient certainement acceptées. Il ne priait pas les Thébains de s'allier avec lui, même s'il savait qu'ils se cachaient derrière Amphissa, la ville contre laquelle la guerre sacrée avait été proclamée; il se contenterait de leur neutralité. En échange, il leur offrait de considérables avan tages économiques et territoriaux. Mais en cas de refus, il les menacait d'effroyables destructions. qui serait assez fou pour refuser son offre ?
Eudème d'Oréos, le chef de la délégation macédonienne, conclut son exposé
en dosant habilement flatteries, menaces et chantages, puis il quitta la salle.
Un peu plus tard, il retrouva un ami et informateur thébain qui le conduisit en un lieu d'o˘ l'on pouvait
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