Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
alors la décision de partir.
" Mais o˘ ? interrogea le roi.
--Dans le Nord, il ne pourra pas m'y retrouver.
--C'est impossible. Là règnent des tribus sauvages et semi nomades qui ne cessent~ de s'entre-déchirer. Et comme si cela ne suffisait pas, la mauvaise saison va bientôt commencer. Il
neige sur ces montagnes. As-tu jamais affronté le grand froid ? C'est un ennemi très redoutable.
--Je n'ai pas peur.
--Je le sais.
; --Je vais donc partir. Ne t'inquiète pas pour moi.
- --Je ne te laisserai t'en aller que si tu m'indiques ton itiné .raire. Il faut que je sache o˘ te chercher pour le cas o˘ j'aurais besoin de toi.
--J'ai consulté tes cartes. Je me rendrai à Lychnidos, à l'ouest du lac, et je m'enfoncerai dans l'intérieur, le long de la vallée du Drilon.
--quand as-tu l'intention de partir ?
--Demain. Héphestion m'accompagne.
--Non. Vous partirez dans deux jours, pas avant. Je vais ordonner qu'on prépare le ravitaillement nécessaire à votre voyage. Et je vous donnerai un cheval qui portera vos provi sions. quand vous les aurez utilisées, vous pourrez le vendre et poursuivre ainsi votre route.
- Je te remercie, dit Alexandre.
--Je te remettrai aussi des lettres destinées aux chefs de la Chelidonia et de la Dardanie. Ils pourront t'être utiles. J'ai des amis dans ces régions.
--J'espère que je pourrai te rendre un jour ce que tu as fait pour moi.
--Je t'en prie, ne parle pas ainsi. Et sois confiant. "
Ce jour-là, le roi écrivit une lettre en toute h‚te et la confia à son courrier le plus rapide, afin qu'il la délivre à Callisthène, à Pella.
Le jour du départ, Alexandre alla saluer sa mère, qui l'em brassa en pleurant à chaudes larmes et en maudissant Philippe du plus profond de son coeur.
" Ne le maudis pas, mère, pria Alexandre d'une voix empreinte de tristesse.
--Pourquoi ? s'écria Olympias, en proie à la douleur et à la haine.
Pourquoi ? Il m'a humiliée, blessée, il nous a contraints à l'exil. Et maintenant, il t'oblige à fuir, à me quitter pour t'aventurer dans des terres inconnues au coeur de l'hiver. J'aimerais qu'il meure dans les souffrances les plus atroces, qu'il connaisse les peines qu'il m'a infligées ! "
Alexandre la regarda tandis qu'un frisson courait dans ses veines. Il eut peur de cette haine si forte, qui donnait à sa mère l'allure d'une héroÔne de ces tragédies qu'il avait tant de fois vues sur scène: Clytemnestre, qui tuait son époux Agamemnon à coups de hache, ou Médée, qui assassinait ses propres enfants pour frapper son mari Jason au plus fort de ses affections.
C'est alors qu'il se souvint d'une des rumeurs terribles qui circulaient à Pella au sujet de la reine: on disait qu'elle s'était nourrie de chair humaine au cours d'une cérémonie initia tique du culte d'Orphée. Il voyait dans ses yeux immenses, pleins de ténèbres, tant de violence et de désespoir, qu'il l'au rait crue capable de tout.
" Ne le maudis pas, maman, répéta-t-il. Il est peut-être juste que je souffre de la solitude et de l'exil, du froid et de la faim. C'est un enseignement qui manque encore à ceux que mon père a souhaité m'imposer.
Peut-être veut-il que j'en fasse
aussi l'expérience. Peut-être est-ce la dernière leçon, une leçon que personne d'autre n'aurait pu m'infliger. "
Il se libéra à grand-peine de l'étreinte de sa mère, sauta sur Bucéphale et le talonna violemment.
~ -L'étalon se cabra dans un hennissement, dressa ses anté rieurs, puis se lança au galop en soufflant des jets de vapeur br˚lante. Héphestion leva le bras en guise de salut et éperonna lui aussi sa monture en entraînant le cheval de b‚t.
, Olympias les suivit de son regard embué jusqu'à ce qu'ils disparaissent au fond du sentier qui menait au Nord.
La missive du roi d'…pire fut remise à Callisthène, à Pella, quelques jours plus tard. Le neveu d'Aristote l'ouvrit d'un mouvement impatient et la parcourut rapidement.
Alexandre, roi des Molosses, à Callisthène, salut !
J'espère que tu te portes bien. L'existence de mon neveu Alexandre s'écoule paisiblement en …pire, loin des tracas de la vie militaire et des soucis quotidiens du gouverne ment. Il passe ses journées à lire les poètes tragiques, en particulier Euripide, et naturellement Homère, dans l'édi tion de la cassette que ton oncle et maître Aristote lui a offerte. Il s'amuse parfois à jouer de la cithare.
Il prend aussi part à des battues de chasse...
r Au fil
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