Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
loups qui résonnait dans les vallées solitaires.
Ce n'étaient que des jeunes gens, qui évoquaient encore leur récente adolescence: au cours de ces instants, ils étaient enva his par le chagrin et la mélancolie. Il leur arrivait de tirer le même manteau sur leurs épaules, et de s'étreindre dans l'obs
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l
curité; ils se souvenaient de leurs corps d'enfants et des nuits o˘, effrayés par un cauchemar ou par les cris d'un condamné hurlant son désespoir, ils se glissaient dans le même lit.
L'obscurité glaciale et l'inquiétude pour leur avenir les poussaient à
rechercher la chaleur l'un de l'autre, à s'étourdir de leur nudité à la fois fragile et puissante, de leur solitude fière et désolée.
La p‚le lumière de l'aube les ramenait à la réalité, et les tiraillements de la faim les encourageaient à redoubler leurs efforts pour se procurer de quoi manger.
S'ils apercevaient les traces d'un animal sur la neige, ils s'ar rêtaient pour tendre des pièges et capturer leur maigre proie: un lapin ou une perdrix de montagne, qu'ils dévoraient encore chauds, après en avoir bu le sang. Mais ils devaient parfois repartir les mains vides, affamés et transis du froid piquant de ces terres inhospitalières. Leurs chevaux souffraient aussi de privations, puisqu'ils se nourrissaient des herbes sèches qu'ils trouvaient en grattant la neige de leurs sabots.
Enfin, après des jours et des jours d'une marche pénible, exténués par le froid et la faim, ils virent briller comme un miroir, dans le reflet du ciel d'hiver, la surface gelée du lac Lychnitis. Ils en longèrent la rive nord au pas, espérant atteindre avant la tombée de la nuit le village qui portait le même nom: ils pourraient peut-être passer une nuit au chaud, près d'un feu.
" Tu vois cette fumée à l'horizon ? demanda Alexandre à son ami. Je ne me trompais pas: c'est là-haut que doit se trouver le village. Nous aurons du foin pour nos chevaux, de la nour riture, ainsi qu'une paillasse pour nous allonger.
--C'est trop beau, j'ai l'impression de rêver, répliqua Héphestion.
Penses-tu vraiment que nous aurons toutes ces merveilles ?
-- Oui. Et peut-être aurons-nous aussi des femmes. Un jour, j'ai entendu mon père dire que les barbares de l'intérieur les offrent aux étrangers en signe d'hospitalité. "
Il s'était remis à neiger à gros flocons, et les chevaux avan çaient à
grand-peine; l'air gelé les transperçait jusqu'aux os. Soudain, Héphestion tira sur les rênes de sa monture. " Par tous les dieux, regarde ! "
Alexandre rejeta son capuchon en arrière et braqua ses yeux devant lui, dans l'épais tourbillon de la neige. Plusieurs hommes fermaient le passage, immobiles sur leurs chevaux, les épaules et les capuches recouvertes de neige, armés de javelots.
" Penses-tu qu'ils nous attendent ? demanda le prince en empoignant son épée.
--Oui. De toute- façon, nous allons le savolr bien vite ", répondit Héphestion.
Il dégaina, lui aussi, son épée et Zcperonna son cheval.
" J'ai bien peur que nous soyons obligés de nous frayer un chemin, ajouta Alexandre.
--Moi aussi, dit Héphestion, tout bas.
--Je ne veux pas renoncer à une assiette de potage bien chaud, à un lit et à un feu. Et peut-être aussi à une belle fille. Et toi ?
--Moi non plus.
--A mon signe ?
--D'accord. " Z
Mais alors qu'ils s'apprêtaient à charger, un cri résonna dans le silence de la vallee.
" La troupe d'Alexanclre salue son commandant !
--Ptolémée!
--Présent!
--Perdiccas!
--Présent!
-- Léonnatos !
--Présent!
--Cratère!
-- Présent !
-- Lysimaque !
--Présent!
-- Séleucos !
--Présent!
Le dernier écho s'éteignit sur le lac gelé, et Alexandre contempla de ses yeux embués de larmes les six cavaliers iqnZmobiles sous la neige, puis il se tourna vers Héphestion en ~couant la tête d'un air incrédule:
" Oh ! grand Zeus ! dit-il. Ce sont nos amis ! "
32
Trois mois après son mariage, Eurydice accoucha d'une petite fille que l'on nomma Europe. Puis elle se retrouva enceinte. Mais Philippe n'eut pas le loisir de s'abandonner aux joies de la paternité retrouvée: les événements politiques qui évoluaient, ainsi que ses affaires privées, l'en empêchèrent. Sa santé aussi lui créait des soucis: son ceil gauche, blessé
au cours d'une bataille et mal soigné, était perdu.
Au cours de l'hiver, il reçut la visite de son informateur Eumolpos de
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