Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
dans la pièce et referma la porte derrière lui. La tête penchée, Philippe semblait parcourir un document placé devant lui.
" Sire, voici une demande en mariage. "
Le roi leva brusquement la tête. Il avait le visage marqué, et le seul oeil qui lui restait était rougi par la fatigue, la colère et les pleurs.
" De quoi s'agit-il ? demanda-t-il.
--Pixodaros, le satrape perse, qui est aussi roi de Carie, offre la main de sa fille à un prince de ta maison royale.
-- qu'il aille se faire pendre ! Je ne traite pas avec les Perses.
--Sire, je crois que tu le devrais.~ Pixodaros n'est pas exac tement perse, il gouverne une province côtière de l'Asie Mineure pour le compte du Grand Roi et contrôle la forteresse d'Halicarnasse. Si tu te pr£pares à
franchir les Détroits, ce pourrait être un choix stratégiquement important.
Surtout en ce moment, puisque le trône de Perse ne repose pas dans des mains sures.
-- Tu n'as peut-être pas tort. Mon armée partira dans quelques jours.
--Raison~deplus.
--quichoisirais-tu?
--Eh bien, je pensais à...
--Arrhidée. Voilà qui nous lui donnerons. Mon fils Arrhidée est à moitié
débile, nous éviterons ainsi qu'il pose des problèmes. Et s'il ne devait pas s'en tirer au lit, c'est moi qui m'occuperais de sa jeune épouse.
Comment est-elle ? "
Eumène tira du sac un petit portrait sur bois, certainement l'oeuvre d'un peintre grec, et le lui montra.
" Elle a l'air très jolie, mais il ne faut pas s'y ~er: quand on les voit de près, on a parfois des surprises...
--Alors, que dois-je faire ?
--…cris que je suis touché et honoré par sa requête et que j'ai choisi pour la jeune fille le prince Arrhidée, un jeune homme vaillant au combat, aux sentiments nobles, et autres broutilles dans lesquelles tu excelles.
Puis rapporte-moi la lettre pour que je la signe.
--C'est une bonne décision, sire. Je m'en occupe tout de suite. " Il se dirigea vers la porte, puis s'immobilisa, comme s'il venait de se rappeler quelque chose d'important. " Puisje
te poser une question, sire ? "
Philippe lui lança un regard soupçonneux. " De quoi s'agit-il ?
--qui commandera l'armée que tu envoies en Asie ?
--Attale et Parménion.
--Excellent. Parménion est un grand soldat et Attale... "
Philippe le dévisagea d'un air méfiant.
" Je voulais dire-que l'éloignement d'Attale pourrait favo riser.. .
--Un mot de plus et je te fais couper la langue. "
Imperturbable, Eumène poursuivit. " Il est temps que tu rappelles ton fils, sire. Pour de nombreuses et bonnes raisons.
--Tais-toi ! cria Philippe.
--La première est d'ordre politique: comment pourras-tu persuader les Grecs de vivre en paix à l'intérieur d'une alliance commune si tu ne parviens pas à maintenir la paix dans ta famille ?
--Tais-toi ! " rugit le roi en abattant son poing sur la table.
Eumène sentit son coeur s'arrêter; il était désormais certain que son heure était venue, mais il songea que dans une situa tion aussi désespérée, autant valait mourir en homme; il continua donc: " La seconde est d'ordre strictement person nel: nous avons tous une maudite nostalgie de ce garçon, et toi le premier, sire.
--Encore un mot et je te fais enfermer par les gardes.
--Et Alexandre souffre terriblement de toute cette situation.
--Gardes ! hurla Philippe. Gardes !
--Je puis te l'assurer. Et la princesse Cléop‚tre passe ses journées à
pleurer. "
Les gardes entrèrent dans un grand fracas d'armes.
" J'ai ici une lettre d'Alexandre, qui dit... " Les gardes s'ap prêtaient à l'empoigner.
Alexandre à Eumène, salut !
D'un signe, Philippe leur fit signe de reculer.
Je suis content de ce que tu me dis de mon père, du fait qu'il soit en bonne santé ét qu'il prépare une grande expé dition contre les barbares en Asie.
Le roi renvoya les gardes.
D'autre part, cette nouvelle m'attriste profondément.
Eumène s'interrompit pour observer son interlocuteur. Philippe était bouleversé, en proie à une violente émotion, et son unique oeil de cyclope scintillait autant que la braise sous son front plissé.
" Continue ", dit-il.
~I
r~
: 1
Depuis toujours, je rêve de le suivre dans cette grandiose entreprise et de chevaucher à ses côtés, pour lui montrer combien je me suis efforcé, tout au long de ma vie, d'éga ler sa valeur et sa grandeur de souverain.
,, Hélas, les circonstances m'ont poussé à un geste irré médiable, et la colère m'a amené à franchir les limites qu'un fils ne
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