Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
il disposait d'une puissante armée nationale dont la valeur, la loyauté, la cohésion et la détermination étaient inégalables; d'un groupe de généraux possédant de hautes compétences dans le domaine de la stratégie, et instruits à son école; d'un héritier du trône qui avait été formé selon les idéaux des héros d'Homère et la rationalité de la pensée phi losophique, un prince orgueilleux et indomptable.
L'heure du départ pour la dernière et pour la plus grande aventure de son existence était arrivée. La décision de Philippe était prise et tous les préparatifs achevés: il accueillerait Alexandre, resserrerait les liens qui l'unissaient au royaume d'…pire en célébrant avec un faste inoubliable les noces de sa fille Cléop‚tre, puis il rejoindrait son armée au-delà ~es Détroits pour effectuer le grand saut.
Et pourtant, maintenant que tout semblait résolu, que tout paraissait s'arranger pour le mieux, maintenant qu'Alexandre avait écrit qu'il reviendrait sans tarder à Pella et qu'il assiste rait en grande pompe au mariage de sa soeur, Philippe était envahi par une étrange inquiétude, qui troublait son sommeil.
~.
Uh jour, au début du printemps, il envoya un serviteur dire à Eumène de le retrouver dans les écuries pour faire une promenade à cheval: il devait lui parler. C'était un procédé insolite, mais le secrétaire s'y conforma, revêtant un pantalon thrace, une tunique scythe, des bottes et un chapeau à
larges bords. Il ordonna qu'on lui prépare une jument suffisamment ‚gée et tranquille, puis il se présenta au rendez-vous. Philippe le regarda de biais.
" O˘ crois-tu aller ? A la conquête de la Scythie ?
--J'ai suivi l'avis du responsable de ma garde-robe, sire.
--C'est ce que je vois. Allez, dépêchons-nous. "
Le roi éperonna son cheval et s éloigna au galop sur un sen tier qui menait hors de la ville.
Dans les champs, des paysans étaient déjà occupés à sarcler le blé et le millet, à émonder les sarments de vigne.
" Regarde ! s'exclama Philippe en faisant ralentir sa mon ture. Regarde !
En l'espace d'une génération, j'ai transformé un peuple de montagnards et de bergers semi-barbares en une nation d'agriculteurs habitant des villes et des villages aux administrations efficaces et policées. Je les ai rendus fiers d'appartenir à leur pays. Je les ai forgés comme le métal, j'ai fait d'eux des guerriers invincibles. Et Alexandre m'a bafoué parce que je me suis un peu trop amusé, il a affirmé que je n'étais pas même capable de passer d'un lit à l'autre...
-- N'y pense plus, sire. Vous avez tous deux souffert. Alexandre a prononcé des mots qui n'auraient pas d˚ franchir ses lèvres, c'est vrai, mais il a été sévèrement ch‚tié. Tu es un grand souverain, le plus grand, il le sait, et il est fier de toi, je te le jure. "
Philippe se tut et continua un long moment au pas, sans rien ajouter.
Puis il mit pied à terre devant un ruisseau dont l'eau froide et limpide provenait de la fonte des neiges, et il s'assit sur un rocher en attendant Eumène.
" Je pars, annonça-t-il à son secrétaire.
--Tu pars ? Et o˘ ?
--Alexandre n'arrivera pas avant une vingtaine de jours, et je veux me rendre à Delphes.
-- N'en fais rien, sire: ils t'entraîneront dans une autre guerre sacrée.
--Tant que je vivrai, il n'y aura plus de guerre en Grèce, ni sacrée, ni profane. Je ne vais pas voir le conseil du sanctuaire. Je vais au sanctuaire.
--Au sanctuaire ? répéta Eumène d'un air gtonné. Mais le sanctuaire t'appartient, sire. L'oracle dit ce que tu sou haites.
--Tu crois ? "
Il commençait à faire chaud. Eumène ôta sa tunique, plon gea son mouchoir dans- l'eau et se rafraîchit le front.
" Je ne te comprends pas. Tu me poses cette question alors que tu as vu, toi-même, le conseil manoeuvrer l'oracle à sa guise et lui faire proclamer ce qui favorisait une ligne poli tique ou des alliances militaires précises.
-- C'est vrai. Pourtant, le dieu réussit parfois à dire la vérité, malgré
la fausseté et l'effronterie des hommes qui devraient le servir. J'en suis certain. "
Il appuya les bras sur ses genoux et baissa la tête pour écou ter le murmure du ruisseau.
Eumène était sans voix. que voulait dire le roi, lui qui avait ;connu tous les excès, qui avait été témoin de la corruption et Jde la duplicité, qui avait vu la méchanceté des hommes se dechaîner dans toutes sortes t'atrocités? que cherchait cet
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