Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
devrait jamais dépasser.
Ces choses-là se produisent sans doute par la volonté
' d'un dieu, car c'est lorsque les hommes perdent le contrôle
, de leurs actions que s'accomplit ce qui est écrit.
~' Mes amis se portent bien, mais sont attristés, tout comme moi, par l'éloignement et par l'absence des êtres qui leur sont chers. Dont tu fais partie, mon cher Eumène.
Assisté le roi de ton mieux. Cela m'est hélas interdit. Sois tranquille.
Eumène reposa la lettre et tourna son regard vers Philippe, qui avait caché son visage derrière ses mains.
" Je me suis permis... ", reprit-il au bout d'un moment.
Le roi leva brusquement la tête. " quoi ?
--De préparer une lettre...
--Grand Zeus, je vais tuer ce Grec, je vais l'étrangler de mes propres mains ! "
A ce moment précis, Eumène avait l'impression d'être un capitaine qui, après avoir longtemps lutté contre les flots au milieu de la tempête dans un vaisseau aux voiles déchirées et à la coque abîmée, arrive à proximité
du port et doit demander un dernier effort à son équipage épuisé. Il prit une grande ins piration, tira de son sac une autre feuille et commença à la lire sous le regard incrédule du souverain.
Philippe, roi des Macédoniens, à Alexandre, salut !
Ce qui s'est produit le jour de mes noces a été pour moi un motif de grande amertume et j'avais décidé, malgré l'amour qui me lie à toi, de t'exclure à jamais de ma pré sence. Mais le temps est un bon médecin et il sait adoucir les souffrances les plus aiguÎs.
J'ai longuement réfléchi à propos de cet épisode. Considérant que les hommes les plus ‚gés et dotés d'une plus grande expérience de la vie doivent donner l'exemple aux jeunesj souvent aveuglés par leurs passions, j'ai décidé de mettre fin à l'exil auquel je t'avais condamné.
218 ALEX~NDRE LE GRAND ~ LE FILS DU SONGE 2 1 9
~1
Ce même exil est également révoqué pour tes amis qui en choisissant de te suivre m'ont gravement offensé
La clémence du père l'émporte donc sur la rigueur du juge et du souverain. En échange, je te demande seulement de manifester tes regrets pour l'outrage que j'ai d˚ subir et de me montrer que gr‚ce à ton affection filiale de pareilles situations ne se répéteront pas à l'avenir.
Prends soin de toi.
Eumène demeura immobile et muet au milieu de la pièce incapable de deviner ce qui l'attendait. Philippe se taisait mais à l'évidence, il souhaitait dissimuler les émotions qui l'animaient; au reste, il détourna la tête de façon à ne montrer que son oeil aveugle et sec.
Eumène trouva toutefois le courage de 1 interroger: " qu'en dis-tu, sire ?
--Je n'aurais pas su mieux écrire.
--Alors, si tu acceptais de la signer... "
Philippe tendit la main, s'empara d'une plume, la plongea dans l'encre, mais s'interrompit bientôt sous le regard inquiet de son secrétaire.
" quelque chose ne va pas, sire ?
--Non, non ", répondit le souverain en signant la lettre.
Il retourna aussitôt la feuille et griffonna quelque chose dans un coin.
Eumène s'empara de la missive, la saupoudra de cendres, qu'il chassa d'un souffle, puis, après s'être incliné, se dirigea vers la porte d'un pas rapide et léger, craignant que le roi soit pris de regrets.
" Un instant ", le rappela Philippe.
Il regrettait donc son geste.
Eumène s'immobilisa. " que désires-tu, sire ?
--O˘ vas-tu expédier cette lettre ?
--Eh bien, je me suis permis de garder des contacts, d'en gager discrètement des informateurs... "
Philippe secoua la tête. " Un espion, voilà qui je paie pour s'occuper de mon administration ! Tôt ou tard, je finirai par étrangler ce Grec. Par Zeus, je jure que je l'égorgerai de mes propres mains ! "
Eumène esquissa une nouvelle révérence et quitta la pièce. Tandis qu'il regagnait en toute h‚te son bureau, son regard tomba sur les mots que Philippe avait ajoutés de sa nropre main:
- Si tu recommences, je te tue. Tu m'as manqué. Papa.
34
Attale et Parménion passèrent en Asie sans rencontrer de résistance, et les villes grecques de la côte orientale les accueillirent comme des libérateurs, consacrant des statues au roi de Macédoine et préparant de grandes célébrations.
Cette fois-ci, Philippe reçut avec enthousiasme des nou velles de ses courriers: les circonstances de son expédition en Asie ne pouvaient être plus propices. Du fait de la crise dynas tique, l'Empire perse connaissait de grandes difficultés. quant à lui,
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