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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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socquettes et
sa jupe plissée — invente les mots dont j’ai besoin.

    Est-ce la fatigue ou le manque de confiance ? Je
n’ai plus la force d’évoquer mon projet de fiançailles, hanté par le drame de Jacques et Jenny, les
héros des Thibault , que la guerre avait broyés.

    Nous marchons longtemps dans les allées, revenant sur nos pas, nous arrêtant parfois pour une
étreinte furtive, puis repartant en silence, jusqu’au
moment où le carillon d’une église voisine nous
avertit qu’elle doit rentrer chez ses parents.

    Durant mon retour à Bescat, je suis enveloppé
d’une ivresse bienfaisante : jamais nous n’avons été
si proches. Au dîner, je n’ai pas envie de m’épancher. Je rapporte seulement mon entretien avec le
commandant, puis le colonel. Mon beau-père commente, laconique : « Ça explique pourquoi nous avons
perdu la guerre. » Pendant qu’il écoute la radio avec
ma mère, je monte me coucher.

    Mercredi 19 juin 1940

     

    Le temps du choix

    Je vais d’abord à la permanence, où Roy et
Marmissolle sont déjà arrivés. Nous lisons les journaux. Seuls L’Indépendant et Le Patriote sont disponibles. Les autres, dont L’Action française , ne sont
plus distribués. Les deux feuilles paloises reproduisent des extraits du discours prononcé par Churchill
hier, 18 juin, devant la Chambre des communes et
retransmis à la radio dans la soirée.

    À en croire le titre d’un des journaux, le Premier
Ministre est optimiste : « Rien ne saurait détruire la
volonté de la Grande-Bretagne de combattre jusqu’au
bout et pendant des années s’il le faut. » Je suis
frappé par la teneur du discours : « Hitler sait qu’ildoit briser notre résistance ou bien mourir. Si nous
gagnons la guerre, le soleil de la liberté brillera sur
le monde entier. Si nous la perdons, le monde
entier, y compris les États-Unis, sera plongé dans
les ténèbres d’un nouveau Moyen Âge. »

    Il conclut : « Nous remplirons notre devoir. »
D’ailleurs, la présidence du Conseil communique :
« Le devoir de tous est donc de continuer la résistance. »

    En écho au discours de Churchill, le journal résume
un appel prononcé à la même heure à la BBC par
un général français, ancien sous-secrétaire d’État à
la Défense, le général de Gaulle, celui-là même dont
le représentant de l’Action française à Oloron nous
a révélé qu’il était des « nôtres ».

    Le journal mentionne : « De Londres, où il s’est
transporté, le général français de Gaulle continue la
lutte. […] Il a adressé un appel à tous les Français
[…] se trouvant actuellement en Angleterre ou susceptibles de s’y rendre. » Il confirme, en quelque sorte,
le discours du ministre Baudouin à la radio. J’en
conclus que l’armée d’Afrique du Nord se mobilise
et que Churchill appelle à la rejoindre.

    Nous sommes d’autant plus intéressés qu’aucun
de nous n’a écouté la radio hier. Nous allons déjeuner ensemble.

    Marmissolle me tarabuste : « Nous quittons Pau
pour aller où ? » Mon beau-père est resté dans le
vague. Il a évoqué Bayonne. En réalité le problème
est de quitter Pau, même si nous ignorons ce qui
arrivera ensuite. Au bord de la mer, nous devrons
trouver un bateau.

    Sentant la fragilité du projet, je reste laconique :
« On verra bien. » Roy, toujours pratique : « Qui
paiera ? » Je ne me suis jamais posé la question :mes parents ont toujours tout payé. Je regarde ma
montre, il est l’heure d’aller chez l’imprimeur. J’ai
donné à Bianchi rendez-vous là-bas pour transporter les paquets.

    De retour à la permanence, nous ouvrons les
paquets de tracts. En ronchonnant, chacun en prend
un tas et s’attelle à modifier ladate 4 . À 5 heures et
demie, il ne reste plus que Marmissolle et Roy. Je
me lève pour partir :

    « Tu nous abandonnes ?

    — J’ai encore du travail. »

    Heureusement, ils ne posent aucune question. « À
demain, 9 heures, pour faire le point et préparer la
distribution. » Je ne sais pourquoi je leur cache un
autre rendez-vous, qui n’a rien de galant.

    Après le discours de Pétain, Henri Blanquat m’avait
téléphoné plusieurs fois. Il avait quitté Bordeaux
quelques jours auparavant et se trouvait à Tarbes, où
il venait d’être mobilisé. Lui aussi refusait l’armistice.
Il ne savait que faire. Je lui exprimai ma haine de
Pétain et ma volonté de me battre.

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