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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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viens de voir Verdenal [un avocat de nos amis,
ancien combattant et maire de Pau]. Je lui ai
raconté ton projet : il nous attend à 2 heures dans
son bureau. En principe, il est d’accord pour que tu
tiennes la réunion à la mairie. »

    Après avoir jeté un coup d’œil sur la carte, il
poursuit à mi-voix : « En tout cas, il faut partir ce
soir. Demain, il sera trop tard. Le plus simple est defixer le rendez-vous à 9 heures devant le monument
aux morts du 18 e  régiment, sur l’esplanade de la
caserne. Tu annonceras aux jeunes que vous ferez
une minute de silence en l’honneur des morts de la
guerre. De là, tu les conduiras au garage d’Étigny
[le garage des TPR, face au parc du château] ; je
ferai préparer plusieurs autobus. Dès qu’ils seront
complets, nous partirons pour Bayonne. »

    Ma mère écoute en silence, à mon côté, sur la
banquette. Je n’ose la regarder, devinant ses pensées. Je voudrais lui manifester mon amour, lui
prendre la main, l’embrasser, mais je suis maintenant un homme et je refuse de m’abandonner à ces
enfantillages.

    Le silence s’installe entre nous. Nous commençons à manger lorsque mon beau-père déclare avec
force : « J’espère qu’avec Pétain ça va changer. » À
ce nom, ma mère sort de sa réserve : « Ah oui !
Heureusement que nous avons le maréchal Pétain
pour sauver la France ! »

    À ces mots, je me redresse et lui hurle au visage :
« Pétain est un vieux con ! » Ma mère, surprise,
tourne vers moi son beau visage attristé : « Oh,
Dany ! Comment peux-tu dire une chose pareille ? »
Je ne puis soutenir son regard.

    Quelques instants plus tard, le maire de Pau nous
reçoit dans son vaste bureau ouvrant sur la place
Gramont et, au-delà, sur la chaîne des Pyrénées. Bien
qu’il soit ami de la famille, je suis impressionné. Il
vient vers nous en souriant : « Alors, qu’est-ce que
tu nous prépares encore ? » Je lui explique notre
volonté de combattre et mon entrevue avec le colonel.

    « Ça ne m’étonne pas, dit le maire, c’est une vieille
bête. Bonne idée de réunir des volontaires pour les
exhorter à rejoindre l’armée en Afrique du Nord. Jesouhaite que vous réussissiez. Mais si tu continues
comme ça, vous serez tous coffrés. Le préfet est
furieux parce que tu n’as pas demandé l’autorisation et que ce n’est pas le moment de faire de l’agitation, même patriotique. Tu aurais dû m’en parler.
En tout cas, il a tort de décourager les jeunes qui
croient encore à la France. »

    Marquant une pause, il me regarde attentivement
puis déclare : « Tu peux tenir ta réunion dans le
hall de la mairie. Je donnerai des ordres, tu ne seras
pas inquiété. La police nationale n’a pas le droit
d’intervenir à l’intérieur du bâtiment. Je ne crois
pas que le préfet aille plus loin. En tout cas, je suis
avec toi, je ne te laisserai pas tomber. À ce soir. »

    Il me serre la main avec un sourire paternel et
nous raccompagne sur le palier. Mon beau-père
rayonne : « Tu vois, ça s’arrange. Je vais tout préparer pour ce soir. Je viendrai ici vers 7 heures pour
voir comment les choses se passent. »

    J’ai hâte de le quitter. Avant la réunion, j’ai prévu
d’embrasser Caroline, la sœur d’amis d’enfance, et
Domino. À partir de là, ce sera à la grâce de Dieu.

    Je fais un crochet à la permanence afin de prévenir mes camarades de l’interdiction du préfet et
du changement de local. Seul Christian Roy est
fidèle au poste. Il lit les journaux. Je lui explique les
modifications du programme et lui demande de prévenir les autres afin d’organiser un barrage aux deux
extrémités de la rue des Cordeliers, dans laquelle se
trouve la salle Pétron, et de canaliser le public vers
la mairie.

    « Je vous rejoindrai à 5 heures.

    — J’espère que tu nous trouveras dans la foule,
dit Christian.

    — Nous serons peut-être seuls.

    — Ça m’étonnerait. Tout le monde est intéressé
par les tracts. Ce matin, les jeunes nous posaient
des questions sur notre programme. Crois-moi, ce
sera un événement.

    — Dieu t’entende. »

    En le quittant, je cours chez Caroline. Elle habite
en lisière du parc Beaumont. Quand elle m’ouvre la
porte, je perçois un éclat singulier dans son regard,
et le rayonnement de son visage me frappe.

    Elle m’embrasse gentiment et me dit en baissant
la voix : « Il faut que je t’annonce une grande

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