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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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attente interminable, le dispatcher croise
les deux bras, signifiant la fin de l’opération. Tandis
que l’avion reprend rapidement de l’altitude, il nousaide à regagner nos places, accroche nos harnais
aux œilletons de la carlingue et referme la trappe.

    Il est 3 heures du matin. Il nous faut quitter la
France avant l’aurore. Il nous explique en hurlant
qu’il n’y avait au sol aucun des signaux lumineux
convenus.

    J’ai tout envisagé, sauf ce piteux échec. À cause
du bruit, je ne peux exprimer mon accablement.
L’officier éteint la veilleuse et nous fait signe de nous
installer sous les couvertures. Allongé, la fatigue est
plus forte que ma détresse et je m’endors d’un coup.

    J’ai perdu toute notion du temps lorsque je suis
réveillé brusquement par le dispatcher , qui me
secoue en riant. La lumière du jour éclaire la carlingue. Il me fait signe de me lever et de le suivre. La
porte du poste de pilotage est ouverte. J’entre.

    À travers la vitre du cockpit, l’Angleterre apparaît
à mes pieds. L’avion descend lentement au-dessus
d’un paysage décoloré. Un soleil blanc immense
apparaît en bout de piste.

    En quittant l’avion, je n’ose affronter le regard
des hommes et des femmes qui, quelques heures
auparavant, m’ont entouré avec sollicitude parce
que je partais vers une bataille risquée.

    Le succulent breakfast qu’ils nous offrent, la
gentillesse qu’ils manifestent en riant, comme si
tout s’était déroulé normalement, nous remettent
d’aplomb. Briant, toujours philosophe, me console :
« Ne t’en fais pas, la prochaine fois sera la bonne. »

    Une voiture nous reconduit à Londres, mais la
campagne anglaise a perdu son charme. Arrivé au
BCRA, je suis presque réconforté de revoir le capitaine * Bienvenue. Malgré tout, je le harcèle de questions, mais il ignore les causes de notre échec.

    « Quand partons-nous ?

    — Peut-être y aura-t-il une autre opération avant
la fin de la lune. »

    L’espoir d’un prochain départ m’incite à ne pas
reprendre mes affaires au BCRA ni mes cahiers
déposés chez les Zonneveld. Je récupère seulement
mon poste de TSF pour écouter la BBC.

    Nous nous installons dans un nouvel hôtel, en
bordure de la Tamise, au cœur de la City. Mon existence paresseuse reprend à Londres, identique à
celle que j’ai quittée hier. Je deviens un rentier de la
guerre !

    Jeudi 2 juillet 1942

     

    Les prières de Briant

    Briant me propose la visite du quartier Saint-Pancrace : la gare gothique, toute en briques roses,
comme la plupart des édifices britanniques ; l’église
reproduisant les statues grecques du Parthénon ; la
tombe de William Blake. Il admire ce poète dont
j’ignore l’œuvre, mais dont le nom m’est familier
grâce au Journal de Gide. Il y mentionne un livre
que je n’ai pas lu, mais dont le titre m’a fait rêver : Le Mariage du ciel et de l’enfer.

    La lumière joyeuse contraste avec le but de notre
visite. Bien que le cimetière romantique, où Blake est
enterré, soit enclavé parmi les immeubles modernes, nous changeons de siècle. Au cours de mesvoyages en Grande-Bretagne, j’avais aimé les cimetières de campagne, parsemés de dalles, dressées
verticalement sur le gazon entourant des églises si
différentes des nôtres. À Oxford, je m’arrêtais toujours à l’entrée de l’hôtel Randolph pour contempler
les pierres tombales moussues qui enserrent d’une
couronne mélancolique l’église voisine. Le dépouillement janséniste de ces lieux contraste avec la
Chartreuse, vieux cimetière de Bordeaux où ma
famille est enterrée et où les monuments rivalisent
d’orgueil.

    J’aurais souhaité reposer en ce lieu poétique. Non
à cause du voisinage de Blake, mais du gazon qui le
recouvre et du désordre des vieilles dalles alentour.
Nous nous promenons, flânant de l’une à l’autre,
tout en déchiffrant quelques noms inconnus. L’éclat
de la lumière parant les ruines récentes de Londres
impose la mort dans nos conversations.

    Puis, à la recherche d’un restaurant, nous déambulons en silence dans les rues avoisinantes.

    Alors que nous sommes installés dans un confortable Lyon’s , j’éprouve le besoin de me confier :
« J’ignore tes sentiments dans l’avion, l’autre soir. Je
n’avais pas compris le mot panique. Peut-être fut-ce
l’effet de la surprise ? Chez le dentiste, je veux être
averti de la douleur. Elle est moins aiguë quand

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