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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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depuis monenfance, je suis vêtu de la sorte. Pourtant, cela ne
me dénonce-t-il pas, même sans étiquette ? Ce souvenir d’Oxford et mes chaussures d’un coloris orange
et d’une forme unique fabriquées chez Tricker’s, dans
Jermyn Street, estampillent, à eux seuls, le style britannique.

    Les soldats emportent nos valises pour les accrocher entre les harnais de nos parachutes, au-dessus
de nos têtes. Chacun, l’esprit ailleurs, s’efforce de
paraître enjoué.

    Vers 11 heures, à la nuit tombée, un signal du commandant de bord annonce nos adieux aux soldats
qui nous ont aidés. Nous traversons la piste seuls
jusqu’à l’appareil. C’est un Whitley bimoteur, à la
carlingue vide, identique à celle de notre entraînement.

    J’aperçois dans les bois, autour de la piste, quelques avions postés comme de grosses bêtes noires à
l’affût. La soirée est encore chaude, et j’étouffe sous
mon pull-over. D’autant que, sous ma combinaison,
j’ai revêtu mon imperméable, sorti de ma valise afin
d’y placer mon poste.

    Notre dispatcher nous installe à même le sol, attache nos harnais aux œilletons de la paroi et nous
donne un jeu de cartes.

    Les moteurs vrombissent, et l’avion commence
à rouler, nous secouant comme des sacs. Dans un
vacarme assourdissant, nous décollons abruptement.

    La hauteur des hublots, au-dessus de nos têtes,
occulte la vue. Au plafond, une veilleuse s’allume, et
nous commençons une partie de cartes tandis que
l’avion prend de l’altitude. Sous l’œil amusé du dispatcher , nous jouons au poker, un jeu dans lequel
Briant, le père blanc, ne se montre pas le moins
acharné.

    En plein ciel, le froid nous saisit  : l’officier apporte
une Thermos et nous offre du thé.

    La partie flambe. À tour de rôle, nous crions de joie
ou de dépit, sans nous entendre à cause du vacarme.
Soudain, la lumière s’éteint. L’avion plonge brusquement, tandis que des éclairs illuminent les hublots.
Est-ce un orage ?

    Nous nous cramponnons à nos harnais pour ne
pas rouler les uns sur les autres. L’officier se penche
vers nous en hurlant «  Flak 5  ! » L’avion vire à gauche,
puis à droite, remonte, plonge de nouveau. J’éprouve
une panique animale. Même au plus fort des bombardements de Londres, je n’avais pas ressenti la
peur. Cette nuit, cerné de projectiles et secoué
comme un fétu dans un avion-cercueil, je suis persuadé que mon compte est bon : je serai mort à la
guerre, sans l’avoir faite.

    J’invoque Dieu, promets un pèlerinage à Lourdes,
une conversion éternelle, à condition d’accomplir
ma mission et de mourir vengé. Prière impuissante
à m’apaiser jusqu’à la minute où, le calme brusquement rétabli, l’avion poursuit sa route comme si de
rien n’était.

    Alors que nous quittons les abords dangereux de
Rouen, la veilleuse s’allume de nouveau. Le dispatcher nous apporte un autre jeu de cartes, une autretasse de thé. Nous reprenons la partie interrompue,
mais le cœur n’y est plus. Nous n’avons plus la
force de crier ni même de tricher.

    La semi-obscurité me rassure : personne ne peut
distinguer les traces du séisme intérieur qui m’a
ravagé.

    Peu de temps me semble s’être écoulé quand l’officier vient nous avertir de nous préparer à sauter.
L’avion ralentit et commence à descendre. Lorsque
le dispatcher ouvre la trappe, un air tiède pénètre
dans la carlingue. Il nous fait asseoir, jambes pendantes, autour du trou ; au plafond, la lumière rouge
s’allume.

    Ayral doit sauter le premier, Briant ensuite et
moi le dernier. Au contraire de l’entraînement, je
n’éprouve aucune crainte. J’ai hâte d’entrer dans la
bataille.

    Comme le largage s’exécute à basse altitude
(250 mètres), j’aperçois les détails du paysage. Après
avoir survolé un bois et quelques champs, je distingue une ferme, dont la porte est surmontée d’une
applique éclairée. Dans la cour, un chien lève la tête
en aboyant. Nous sommes si proches que je crois
l’entendre.

    J’observe le bras levé du dispatcher et le plafonnier : lorsqu’il passe au vert, son bras s’abaisse, et
Ayral doit sauter. De toute mon attention, je fixe le
signal lumineux pendant qu’à faible altitude l’avion
tourne, avec des soubresauts. La veilleuse demeure
désespérément rouge. Nous descendons, remontons
au-dessus de la ferme. À un moment, je vois un
homme en sortir et regarder en l’air.

    Après une

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