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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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je
m’y prépare. Au contraire, l’inattendu m’effraie, le
pire devient possible puisque j’ignore la durée, le
risque, etc. »

    Il m’écoute en me fixant de ses yeux bruns où se
lisent l’innocence et la droiture. Comprend-il ce que
je tente de lui expliquer ? « Je me demande si je
n’avais pas plus peur que toi, du moins d’après ton
récit. »

    Je suis bouleversé par cet aveu sans fard. Avecd’autres camarades, je parade, claironne n’importe
quel paradoxe pour masquer ma timidité, plus généralement mon ignorance. Avec Briant, je cherche un
secours pour comprendre ce moi chaotique et souffrant.

    Je lui explique que la Flak m’a fait le même effet
que le désastre de 1940. Les canons allemands m’ont
jeté, suppliant, au pied du Christ parce qu’il est mon correspondant auprès d’un Dieu justicier. Sous le
choc, j’ai renié, sans fierté, la révolte méthodique de
mon adolescence : la peur de l’enfer m’a ramené au
bercail ; lamentable !

    « Je te comprends, me dit Briant, et je te plains
pour la souffrance que tu endures. Souvent je prie
pour toi. » Je suis interloqué par cette révélation. Je
n’imaginais pas avoir une telle place dans sa vie. Il
insiste : « Je voudrais te rassurer : tu n’es pas seul
au monde à douter, à t’interroger. » Il hésite : « À te
révolter. C’est une situation que les prêtres connaissent aussi. Certains sont plus éprouvés que les laïques. Mais ils n’ont pas le droit de s’appesantir sur
leur propre malheur puisqu’ils ont choisi d’aider les
autres à rencontrer Dieu. »

    Il y a quelque chose d’étrange dans son regard,
d’habitude si limpide, comme un secret qu’il retient.
Je suis avide de l’entendre, mais j’évite de poser les
questions qui me hantent : A-t-il douté ? A-t-il éprouvé
le vertige du néant, de l’absurdité de la vie, de
l’absence de Dieu, de l’imposture du Christ ? Je garde
le silence.

    Il semble pourtant me comprendre : « Si c’est ça
que tu veux entendre : au fond, je ne suis jamais sûr
de rien. C’est pour cela qu’il est exaltant d’offrir sa vie
sur un risque incalculable. Dans le choix que je
fais, je ne regrette rien. » Briant ajoute avec unecertaine solennité : « Rassure-toi, si tu vas en enfer,
je t’y rejoindrai. »

    Venant de lui, ce n’est pas une vaine promesse.

    Vendredi 10 juillet 1942

     

    Le martyre des Polonais

    Tandis que l’espoir du second front se renforce,
survient en Pologne un événement tragique.

    France annonce quatre cent mille Polonais assassinés par les Allemands. Ce chiffre monstrueux émeut
Briant, qui me communique l’article. Depuis des
mois, je découvre chaque jour, dans la rubrique
« Résistance et répression », les hécatombes systématiques opérées par les Allemands en Hongrie,
Bulgarie, Norvège, Hollande, Belgique, France. Tous
ces pays ont leur contingent de fusillés, mais deux
d’entre eux se distinguent dans le palmarès de l’horreur : la Pologne et la Yougoslavie.

    Les Yougoslaves sont les vedettes de la résistance
armée. Les journaux estiment à trois divisions leurs
rebelles attaquant l’armée allemande. Le héros de la
rébellion est le général Mihailović, glorifié dans
tous les articles, discours et conférences et à la
BBC. Il est devenu pour nous le symbole de la libération de l’Europe captive.

    La Pologne, elle, est le symbole du martyre des
peuples vaincus. Chaque jour, la litanie des morts
s’allonge. Par dizaines, centaines, milliers, les résistants polonais sont emprisonnés, déportés, massacrés.

    Le 1 er  juillet, au cours de l’émission « Les Français
parlent aux Français », Jean Marin a révélé que,depuis le début de l’occupation allemande, sept cent
mille hommes, femmes et enfants polonais ont
été exécutés. Les exécutions de masse s’effectuent
généralement à la mitrailleuse. L’émission révèle
aujourd’hui une nouveauté : « Les Allemands utilisent des chambres à gaz qu’on appelle, même en
Allemagne, les chambres de Hitler. »

    Mardi 14 juillet 1942

     

    De Gaulle dictateur ?

    Alors que je déjeune seul Chez George , une de mes
cantines londoniennes, je vois arriver Guy Vourc’h,
dont je suis sans nouvelles depuis mon entrée au
BCRA. Nous avons effectué nos stages de parachutisme ensemble, puis il a disparu, sans doute envoyé
en France.

    Il est accompagné de Guy Hattu, qu’il me présente
comme le

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