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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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le
refus de l’Occupation. Lorsqu’il parle, son visage
expressif et volontaire s’anime et son regard intelligent m’entraîne malgré moi, bien que ses propos
soient empreints d’une passioncontenue 8 . Sa voix,
au timbre mélodieux et mat, fait chanter certains
mots, qu’il orne d’un sourire espiègle.

    Un détail de son visage m’intrigue, bien que je ne
l’aie pas remarqué de prime abord : sous la mâchoire,
du côté gauche, un trou étoilé, identique à une cicatrice de mon beau-père, à la même place, trace
d’une blessure d’éclat d’obus reçue à Verdun. * Rex
semble avoir le même âge. A-t-il lui aussi été blessé
au cours de la Grande Guerre ? Je suis ému par cette
ressemblance, car j’ai toujours considéré la cicatrice
de mon beau-père comme la signature élégante de
l’héroïsme.

    Racontant son enfance, * Rex évoque des promenades à bicyclette, le canotage sur les rivières, les
baignades au bord de la mer, le chant assourdissant
des cigales, les nuits chaudes et parfumées d’un pays
ensoleillé, au ciel d’azur barrant l’horizon d’une
mer scintillante. Il met dans ce récit tant de vivacité
juvénile que je suis emporté loin de Lyon, de la hiérarchie et de la Résistance. Je suis sous le charme.
J’ignore quelle France il fait surgir, car il ne cite
aucun nom. Pourtant, sa description me rappelle
un voyage en compagnie de ma famille, au bord de
la Méditerranée, il y a une douzaine d’années.

    Parlant toujours, il évoque son père, qui, d’après
ce que je comprends, écrivait dans des journaux,
publiait des articles dans des revues et avait rédigé
nombre d’ouvrages. Sans doute était-il écrivain.
Les termes admiratifs et tendres qu’il utilise pour
le décrire me surprennent, moi dont les relations
avec mon père ont été compliquées et, finalement,
dramatiques. À la fin du repas, * Rex se tait, le temps
d’allumer une cigarette. L’éclair de l’allumette, l’âcre
senteur des Gauloises oubliée en Angleterre réveillent
l’atmosphère de ma petite enfance  : mon grand-père
m’apparaît soudain.

    Quelques secondes plus tard, tout s’efface. * Rex
m’explique que son père a défendu ses idées au sein
d’assemblées où il a siégé une partie de sa vie.
J’imagine qu’il était député, peut-être ministre. Ces
confidences me font penser que c’était un personnage important de la III e  République. Il y a d’ailleurs
dans l’allure de * Rex lui-même, dans son élocution,
une autorité sans familiarité et une prestance que
j’ai déjà observée chez un ami de ma famille, Henri
Lilaz, député des Basses-Pyrénées.

    « Jusqu’à sa mort, ajoute * Rex, il a toujours fait
face. Rien ne le rebutait quand il s’agissait de la justice et de la liberté. Il a combattu sans faiblir, bien
que, souvent, au milieu de l’hostilité générale. Vous
verrez : le sacrifice de sa vie pour la liberté, c’est le
baptême des républicains. »

    Après une pause, il change de sujet et m’interroge
sur les officiers que je connais au BCRA. Je nomme
le capitaine * Bienvenue, chef du Service action, qui
était mon supérieur direct, et le colonel * Passy, mon
chef de corps, qui dirigeait le service et que j’avais
rencontré deux fois avant mon parachutage. La
minceur de mes connaissances vient du fait que les
volontaires sélectionnés pour les missions en France
sont tenus à l’écart de l’état-major pour des raisons
de sécurité : en cas de chute, nous ignorons tout.
Mon grade modeste m’a empêché de surcroît de
fréquenter les hauts responsables du BCRA ou de la
France libre.

    D’une certaine manière, sa question prouve qu’il
n’est jamais allé àLondres 9 . Cherchant à étoffer mon
personnage, j’ajoute : « Il existe là-bas une revue, La
France libre , dont le rédacteur en chef, René Avord,
est un de mes amis. En réalité, il s’appelle Raymond
Aron. C’est un grand professeur, qui a écrit un livre
décisif sur la philosophie de l’histoire. » Déception :
le visage de * Rex ne marque aucune surprise. Je poursuis, moins assuré, et relate ma rencontre, en juillet
1940, dans un camp militaire, avec ce grand esprit,
néanmoins républicain : « Bien que mes opinions
soient à l’opposé des siennes, j’ai été conquis par
son intelligence. Il ne cède jamais rien de ses convictions, mais argumente aussi longtemps que nécessaire
pour convaincre avec patience ses interlocuteurs.Pour

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