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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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soir chez les Moret.
Briant me révèle que son nom de code est *Pal.W.
Je retourne rapidement rue Philippeville pour récupérer le courrier et l’argent destinés à *Rex. Je les cache
sous ma chemise, boutonne soigneusement ma veste
et me rends, en tramway, place Bellecour.

    Arrivé en avance, je m’assois sous les platanes qui
ombragent un coin de la place immense et déserte.
De là, tout en guettant l’arrivée de Schmidt, j’aperçois Louis XIV, le cheval… et sa queue.

    Dès que je le vois s’approcher, je me lève, et nous
nous rejoignons devant la statue. Muet sur notre
destination, il me conduit par la rue de l’Hôtel-de-Ville vers la place des Terreaux. La lumière brûle
les yeux. Tout au long du parcours, une odeur nauséabonde monte des caniveaux. Ici, comme à Bordeaux,
les salles de bains et les cuisines déversent les eaux
usées directement dans la rue.

    De temps à autre, des tramways passent à vive
allure. Quand ils ralentissent, les crissements aigus
de leurs freins d’acier déchirent nos tympans. Ce
bruit lancinant évoque mon enfance, quand le ferraillement des trams, la nuit, traversait mes rêves et
le silence du dortoir de mon dernier collège.

    Derrière l’hôtel de ville, nous montons de larges
escaliers et nous engageons dans des passages voûtés reliant les maisons. Schmidt me signale cette
spécificité lyonnaise, appelée « traboules » : « Elles
sont pratiques pour la sécurité. La plupart des
immeubles ont plusieurs sorties. »

    Après avoir traversé un square désert, puis longé
la rue Imbert-Colomès, nous nous arrêtons devant
un immeuble vétuste dont il ouvre la porte. Nous
montons un escalier de pierre orné d’une rampe en
fer forgée, rappelant celle de notre maison familiale, à
Bordeaux. Au deuxième, il sonne trois coups. À l’intérieur, j’entends qu’on ferme une porte, puis des pas
étouffés. Une dame aux cheveux blancs ouvre, s’efface
sans mot dire et pousse la porte du salon, vaste
pièce faiblement éclairée par de nombreuses fenêtres aux volets clos. La fraîcheur de la pénombre
contraste avec la canicule extérieure.

    Au milieu de la pièce, un homme est assis dans
un fauteuil. Penché sur une chaise installée devant
lui, il consulte un dossier. À notre arrivée, il tourne
la tête, se lève et vient vers nous en souriant.

    « Je vous présente * Bip.W », dit Schmidt. * Rex
— c’est lui — me tend la main. « Avez-vous fait bon
voyage ? » Surpris par cette question, j’acquiesce, préoccupé par un détail protocolaire : est-ce un civil ouun militaire ? À tout hasard, je me redresse dans
une position voisine du garde-à-vous.

    *Rex est vêtu d’une veste de tweed et d’un pantalon de flanelle grise. Son élégance discrète, son
visage hâlé d’un retour de vacances reflètent la joie
de vivre. Il tranche avec les personnes côtoyées
depuis mon arrivée, dont les traits accusent fatigue,
soucis et privations. Je sors du dessous de mon
pull-over la grosse enveloppe contenant le courrier
et l’argent du BCRA : « Le capitaine * Bienvenue m’a
demandé de vous la remettre en main propre.

    — Si vous êtes libre à dîner, rejoignez-moi à
7 heures au Garet , un restaurant dans la rue du même
nom, près de l’Opéra. Vous trouverez sur le plan. »

    Sans doute n’est-ce là que pure politesse. Sans
attendre ma réponse, il se tourne vers Schmidt en
le priant de s’asseoir près de lui. Je comprends que
je peux disposer et quitte la pièce tandis que les deux
hommes commencent leur entretien. Ma présentation a duré quelques instants à peine. Il n’est pas
3 heures.

    Que faire dans cette ville inconnue en attendant
le dîner ? Mon rendez-vous avec Briant est à 4 heures. J’ai une heure devant moi. Je redescends vers la
place des Terreaux et m’assois à la terrasse d’un café
afin de consulter mon plan. Je trouve facilement la
rue Garet, qui commence derrière l’Opéra, non loin
de là.

    Depuis mon parachutage, j’ai attendu avec impatience cet instant de liberté : être seul pour découvrir la France de la défaite. Notre promenade du
matin avec Briant n’a guère été concluante. Je veux
flâner, pénétrer dans les magasins, déchiffrer l’invisible de cette ville. Malheureusement, livré à moi-même, ma curiosité s’efface devant la peur : je mesens perdu. Je viens certes d’arpenter les rues avec un
sentiment de sécurité, mais la présence de Schmidt

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