Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
Vom Netzwerk:
y
était pour quelque chose. Ma solitude, au contraire,
rend la ville menaçante.

    Les jours passés cloîtrés chez les gens apeurés
qui nous ont hébergés ont nourri les germes d’unepanique 7 . En fait d’exploration solitaire, j’ai hâte de
rejoindre François Briant : sa présence exorcisera
les menaces invisibles.

    J’arrive au Café de la République longtemps avant
l’heure. Il m’y attend déjà. Je lui explique mon
brusque désarroi : « J’ai l’impression que les passants m’observent avec suspicion. Je m’attends à tout
moment à les entendre crier : “Au parachutiste !”

    — J’ai éprouvé la même chose après ton départ.
Je ne savais où aller. »

    Pourquoi avons-nous peur ? Loin de retrouver
mon pays, je ne suis plus chez moi en France. En
Angleterre, j’étais un homme libre, à l’unisson
d’un peuple combattant. À Lyon, en cette fin de
juillet 1942, le pire est au coin de la rue. Peut-être
sommes-nous conditionnés par les mises en garde
de * Bienvenue, qui nous a rebattu les oreilles avec les
dangers de la clandestinité.

    Pour échapper aux regards, nous décidons de nous
réfugier dans un cinéma jusqu’à l’heure du dîner.
Non loin du café, une affiche nous indique que Ramuntcho , un film de René Barberis avec Louis
Jouvet et Françoise Rosay, est projeté dans une salle
voisine. Nous entrons. Coïncidence : cette histoire
d’amour se déroule au Pays basque. Je me réjouis àl’avance de faire mieux connaître à Briant ces lieux
de mon enfance que j’ai souvent évoqués devant lui.
Malheureusement, le film est insipide et ne montre
que brièvement mes paysages d’autrefois. Mon
esprit divague.

    Je suis inquiet du rendez-vous avec * Rex. Pourquoi veut-il me rencontrer seul puisque ma mission
est déjà fixée ? Je suis de nouveau préoccupé par le
titre que je vais lui donner : « Monsieur » risque de
le froisser si c’est un militaire ; si c’est un civil,
quelle est sa fonction ? Intimidé lors de la présentation, je n’ai pas fait attention au titre que lui a donné
Schmidt.

    Sur l’écran, le drame se noue : Ramuntcho, au
retour de son service militaire, découvre la trahison
de Gatcha, sa fiancée. Soudain mon cœur bondit :
Domino n’a pas répondu à la seule lettre que je lui
ai adressée d’Angleterre, à l’automne de 1940. Pourquoi ? Pense-t-elle encore à moi, après deux ans
d’absence ? Quand la salle s’éclaire, l’heure du dîner
approche. J’abandonne Briant et remonte lentement vers la rue Garet en inspectant les vitrines de
la rue de la République.

    Avant 7 heures, j’entre au Garet , petit restaurant à
la devanture peinte en faux bois. Je m’installe sur la
banquette de la table jouxtant la porte : en cas de
danger, l’évasion sera plus facile. Quelques instants
plus tard, * Rex apparaît. Il me désigne la chaise en
face de lui et s’installe sur la banquette.

    Détendu, aimable, il me tend un menu. Après
l’expérience du déjeuner misérable avec Briant, j’ai
faim et crains un nouveau repas de théâtre. * Rex,après avoir commandé des saucisses aux lentilles
pour deux, sort sa carte d’alimentation et réclame
la mienne pour y découper les tickets. « Que voulez-vous boire ?

    — Je ne bois jamais de vin.

    — De l’eau minérale ?

    — Du Perrier. » Je ne sais pourquoi je réponds ça.

    Il me regarde sévèrement : « Il ne faut jamais
prendre de l’eau gazeuse pendant les repas. C’est
mauvais pour l’estomac. » Puis, sans transition, il
me pose quelques questions relatives à mon installation à Lyon et me demande à brûle-pourpoint :
« Il y a longtemps que vous étiez là-bas ?

    — Depuis le 25 juin 1940.

    — Vous étiez mobilisé ?

    — Non, mais le 17 juin, après avoir entendu le
Maréchal annoncer la capitulation, j’ai décidé de
combattre les Boches.

    — Mais la guerre était finie.

    — Non, c’était une trahison. » Ce mot l’intrigue
visiblement. Il me fixe avec curiosité, sollicitant une
explication. Il n’y a personne dans le restaurant et,
loin du comptoir, nous pouvons parler librement.

    Afin de lui faire comprendre ma réaction au
discours de Pétain, je lui décris les campagnes de
Charles Maurras, au printemps de 1940, en faveur
d’un gouvernement militaire dirigé par Pétain. J’y
avais participé activement, puisque mon maître
expliquait que seul le vainqueur de Verdun pourrait
conduire la

Weitere Kostenlose Bücher