Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
Vom Netzwerk:
sens rassuré. Je commençais à craindre que la Résistance ne soit un asile de vieillards.
Toutefois, en dépit de son air décidé, mon interlocuteur ne correspond pas à l’image que je me suis
formée d’un clandestin : trop bien habillé peut-être.
En tout cas, avec lui, je me sens en sécurité. Il semble être mon aîné de trois ou quatre ans.

    Je ne sais pourquoi, je ne considère pas *Claudine
ni les Moret comme des résistants. Peut-être parce
que je crois naïvement qu’un résistant est nécessairement un homme à « tout faire sauter ». *Lebailly,
lui, est de la trempe de mes camarades de la France
libre. Cela me semble de bon augure puisque j’attends
tout de lui : *Rex ne m’a-t-il pas dit qu’il me fournirait locaux et personnel ? Je ne suis pas déçu.
D’un ton décidé, il promet de satisfaire promptement mes demandes : courrier, chambre, bureau,
ainsi que la clef de voûte du secrétariat, une dactylo.

    Nous prenons rendez-vous pour la fin de la
semaine. Cette rencontre fait naître en moi un
extraordinaire sentiment d’euphorie : je crois vivre
le premier jour de ma mission.

    En fin d’après-midi, je rejoins *Rex au coin du pont
Bonaparte, que nous traversons. Nous avons rendez-vous chez Paul Bastid. *Rex m’indique simplement
que, sous le pseudo de *Primus, il est membre du
CGE. J’ignore toujours ce qu’est le CGE.

    Après quelques pas cours Adolphe-Max, nous
montons à l’étage. *Rex sonne à la porte. Bastid ouvre
lui-même. Nous traversons une entrée spacieuse et
entrons dans un vaste salon meublé à l’ancienne.
Avec lui, la Résistance passe de l’âge des parents à
celui des grands-parents. Chauve, la moustache noire,
il m’observe d’un regard insistant. Son élégance
surannée et ses guêtres blanches me rappellent mon
aïeul paternel, qui était une des rares personnes à
Bordeaux à arborer cette curiosité vestimentaire. Je
déduis de son grand âge que le CGE doit être le
Comité directeur de la Résistance.

    Je vais de surprise en surprise. Je n’ai jamais imaginé que les dangers permanents de la clandestinité
puissent être affrontés par d’autres que des combattants de mon âge, chefs et troupes confondus. En
Angleterre, le capitaine Lalande, commandant ma
compagnie, avait vingt-cinq ans, le capitaine *Bienvenue et le colonel *Passy guère plus.

    *Rex explique ma fonction comme à l’accoutumée, mais ajoute cette fois un compliment dont je
me rengorge : « Vous pouvez lui faire entièrement
confiance. » Sans doute cette garantie est-elle exigée
eu égard aux hautes fonctions de notre interlocuteur
— « un ancien ministre », m’a-t-il soufflé sur le palier.

    Nous nous asseyons. *Rex me demande l’ordre
du jour corrigé par François de Menthon et le lui
communique. En présence de Bastid, il manifeste
une déférence inconnue jusque-là. Notre interlocuteur serait-il le chef de l’armée clandestine ?

    *Rex rappelle à Bastid une question qu’il lui a
posée sur le projet des socialistes de constituer un
comité politique composé de personnalités de la
III e  République et destiné à devenir, à la Libération,
une sorte de conseil politique du Général. Il ajoute :
« Qu’en pensent vos amis ? Comme je vous l’ai dit,
je m’y suis opposé. Le CGE est d’ailleurs né de mon
refus. Nous sommes tombés d’accord sur l’“indécence” [il marque une hésitation dans le choix du
mot] d’un tel contrôle de la Résistance par des
hommes qui, même s’ils sont les victimes de Vichy,
ont créé ce régime autoritaire par leur vote et n’ont
rien fait pour organiser la riposte.

    — Je suis moi aussi réticent à l’idée d’un tel
comité, mais il convient de distinguer entre les parlementaires qui se sont jetés dans les bras de Pétain
et les “quatre-vingts” qui ont refusé la confiance à
son gouvernement. On compte aussi des opposants
à Pétain parmi les parlementaires qui ont quitté la
France sur le Massilia afin de résister en Afrique du
Nord. Retenus de force là-bas, ils étaient absents
lors du vote. Enfin, parmi les parlementaires repentis, il y a des partisans du “oui” qui estiment avoir
été trompés.

    — Certes, ces hommes n’ont pas démérité, mais
tout ça n’est qu’une bouée de sauvetage pour tenter
de laver du déshonneur l’Assemblée nationale de
juillet 1940. Ils demeurent une minorité non représentative. »

    Je comprends que la question qui divise

Weitere Kostenlose Bücher